Dans un futur proche indéterminé, les bas quartiers de New York sont hantés par des milliers de gangs qui s’affrontent en pleine nuit…
THE WARRIORS
1979 – USA
Réalisé par Walter Hill
Avec Michael Beck, James Remar, Dorsey Wright, Brian Tyler, David Harris, Tom McKitterick, Marcellino Sanchez, Terry Michos, Deborah Van Valkenburgh
THEMA FUTUR
« Quelque part dans le futur… » C’est en ces termes équivoques, qu’on croirait presque choisis sous forme de clin d’œil à l’ouverture de La Guerre des étoiles, que commence Les Guerriers de la nuit. Le générique qui suit emprunte son esthétique et ses effets de style aux comic books des années 70. Tout, dans cette entame, semble vouloir affirmer le caractère irréel du film tout en l’inscrivant dans un contexte assumé de science-fiction, ou du moins de légère anticipation. Pourtant, l’intrigue, son traitement et sa mise en image nous apparaissent comme parfaitement contemporains. Walter Hill brouille ainsi volontairement les pistes, comme s’il cherchait à décrire la véritable brutalité de son époque en la déguisant malicieusement sous des couches de fiction. Tout est parti du roman « The Warriors » de Sol Yurick, publié en 1965 et lui-même inspiré d’un récit antique rapporté par l’auteur grec Xenophon. Yurick aurait écrit son livre pour s’opposer à la vision glamour des gangs de New York décrite dans West Side Story et en proposer une approche plus brute. Le producteur Lawrence Gordon en acquiert les droits d’adaptation et propose aussitôt le film à Walter Hill, avec qui il a collaboré sur Le Bagarreur et Driver. Le cinéaste est conquis mais reste perplexe. « J’ai dit “Larry, j’adorerais réaliser ce film, mais personne ne nous laissera le faire” », se souvient-il. « Ce serait trop extrême et trop bizarre » (1).
Or Paramount cherche justement des projets susceptibles d’attirer le jeune public en leur présentant des protagonistes de leur âge. Contrairement aux craintes de Hill, le film se monte en un temps record. Le feu vert est donné au printemps en 1978. Moins d’un an plus tard, Les Guerriers de la nuit sort en salles. Pour réaliser ce petit exploit, le réalisateur et son producteur promettent au studio de respecter un budget très serré (4 millions de dollars seulement) et de tourner à l’économie. L’ampleur du résultat n’en est que plus grande. Car lorsque se réunissent pour la première fois des centaines de gangs tous plus exubérants les uns que les autres dans un immense terrain de New York, au beau milieu de la nuit, le scope de la séquence provoque le vertige. Surtout lorsque le leader Cyrus lance son fameux monologue : « Vous êtes en ce moment avec neuf délégués de cent gangs. Et il y en a plus d’une centaine d’autres. Cela représente vingt mille membres purs et durs. Quarante mille, en comptant les affiliés, et vingt mille autres, non organisés, mais prêts à se battre : soixante mille soldats ! Or il n’y a que vingt mille policiers dans toute la ville. Vous comprenez ? » Cette réplique fit à l’époque grincer des dents la censure, craignant que de véritables gangs y voient un appel à la révolte et au vandalisme.
Gangs of New York
Lorsque Cyrus est abattu alors qu’il ambitionnait d’unifier tous les gangs de la ville, le groupe des « Warriors » est accusé du meurtre et pris en chasse par tous les autres. S’ensuit une traque nocturne impitoyable où les bas-quartiers de la cité se muent en terrain de chasse. Plus aucun recoin ne semble sûr : ni les ruelles, ni les parcs, ni le métro (qui devient l’un des décors principaux du film, théâtre d’un nombre important de poursuites et d’échauffourées). Avec une économie de moyens et un sens de l’unité (lieu/temps/action) qui ne sont pas sans évoquer le cinéma de John Carpenter, Walter Hill construit un climat oppressant et un sens accru de l’urgence, aidé par le plein investissement physique de ses jeunes acteurs, Michael Beck en tête. Frileusement accueilli lors de sa sortie en salles, notamment à cause d’accusations répétées contre sa glorification d’une certaine forme de violence, Les Guerriers de la nuit a obtenu au fil des ans un statut de film culte. Rétrospectivement, il est intéressant de mesurer son impact sur ses contemporains, notamment sur le cinéma postapocalyptique alors en plein essor (New York 1997, Mad Max 2, Les Guerriers du Bronx) qui lui emprunta une grande partie de son esthétique.
(1) Extrait d’un entretien avec Walter Hill publié sur le site de la Directors Guild of America en juin 2014.
© Gilles Penso
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