Un jeune migrant d’origine syrienne qui tente de franchir illégalement la frontière vers la Hongrie se découvre soudain des pouvoirs surnaturels…
JUPITER HOLDJA / JUPITER’S MOON
2017 – HONGRIE
Réalisé par Kornel Mundruczo
Avec Zsombor Jéger, Merab Nonidze, Gyorgy Cserhalmi, Monika Balsai, Majd Asmi, Zsombor Barna, Alexandra Horvath, Szabolcs Bede Fazekas, Akos Birkas
THEMA POUVOIRS PARANORMAUX
En 2014, le cinéaste hongrois Kornel Mundruczo créait l’événement avec White God, une parabole empruntant ses éléments narratifs au cinéma fantastique pour conter la révolte d’un groupe de chiens contre des maîtres jugés trop inhumains. Récipiendaire à l’époque du prix « Un Certain Regard » à Cannes, Mundruczo revient sur la Croisette trois ans plus tard pour présenter en compétition officielle La Lune de Jupiter. S’il rentre cette fois-ci bredouille de Cannes, le film n’y laisse personne indifférent. Il sera plus tard primé à Sitges (Prix du meilleur film) et à L’Étrange Festival (Grand Prix Nouveau Genre). Une fois de plus, le réalisateur inscrit le genre fantastique dans un contexte social réel et âpre. Il est d’ailleurs tout à fait probable que son scénario ait été en grande partie inspiré par la politique ultra-conservative de Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie depuis 1998 dont les prises de positions et les décisions sont loin de faire l’unanimité, surtout en termes de censure, de cotisations sociales et d’immigration.
Lorsque le film commence, Aryan Dashi (Zsombor Jéger) tente avec de nombreux autres migrants syriens de franchir la frontière vers la Hongrie. Dans la panique, Aryan et son père perdent leurs papiers et sont séparés lorsque le groupe est découvert par une unité de gardes-frontières et que le chaos s’ensuit. Le jeune homme est abattu froidement de plusieurs balles par un officier de police. Or au lieu de mourir, il se découvre des pouvoirs de lévitation. En fuite, Aryan fait la rencontre de Gabor Stern (Merab Ninidze), un médecin sans scrupule qui n’a plus le droit de travailler à l’hôpital après une erreur médicale due à son état d’ébriété. Gabor travaille désormais dans un camp de réfugiés en extorquant de l’argent contre des services, avec la complicité de sa petite amie Vera (Monika Balsai). Gabor va tenter d’exploiter les pouvoirs d’Aryan en lui promettant de remplacer son passeport et ses papiers d’identité en échange d’une somme considérable. Pour gagner sa liberté, le jeune homme doit donc accomplir « des miracles »…
L’homme qui faisait des miracles
La Lune de Jupiter fait preuve d’une virtuosité de mise en scène étourdissante qui rappelle par bien des aspects celle d’Alfonso Cuaron. Les plans-séquence s’accrochent aux personnages pour ne plus les lâcher, les prises de vues acrobatiques donnent souvent l’impression que la caméra est en apesanteur, les effets visuels prodigieux sont servis par une réalisation qui donne le vertige. Le prologue évoque même Il faut sauver le soldat Ryan, dans sa brutalité réaliste mais aussi dans l’implacable agilité de sa mise en scène. D’un point de vue formel, nous avons donc affaire à une œuvre d’exception. Bien sûr, le parallèle christique que développe le scénario écrit par Kata Weber est un peu trop appuyé (Aryan meurt, ressuscite et s’élève dans les airs pour délivrer malgré lui un message d’amour, son père est charpentier, le pardon et la rédemption sont au cœur des enjeux du récit) mais le film parvient à évacuer toute morale judéo-chrétienne trop frontale. Quant au titre symbolique et faussement science-fictionnel, il se réfère au continent européen à travers l’une des lunes de la planète Jupiter.
© Gilles Penso
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