DUNE – DEUXIEME PARTIE (2024)

Denis Villeneuve livre le second volet d’une trilogie annoncée, voyant l’ascension de Paul Atréides au rang de messie face à l’oppression Harkonnen…

DUNE – PART 2

 

2024 – USA/ CANADA

 

Réalisé par Denis Villeneuve

 

Avec Thimothée Chalamet, Zendaya, Dave Bautista, Javier Bardem, Christopher Walken, Rebecca Ferguson, Austin Butler, Stellan Skarsgard

 

THEMA SPACE OPERA

Dune – première partie se finissait de façon abrupte, alors que le jeune Paul Atréides (Thimothée Chalamet) venait de tomber l’uniforme royal étriqué pour endosser le rôle de meneur en devenir des rebelles Fremen face aux Harkonnen – une allégeance également motivée par les beaux yeux (très bleus forcément) de Chani (Zendaya). Cette suite reprend sans préambule à l’endroit même où nous avions laissé notre héros « campbellien », en plein désert sur la planète Arrakis. Après avoir introduit moult personnages, clans, planètes et enjeux politiques et économiques dans le précédent film, Denis Villeneuve peut dès lors entrer dans le vif du sujet sans aucun préambule, pour se focaliser sur l’Aventure avec un grand A, le spectre de Lawrence d’Arabie s’invitant même parfois à la fête. Certains avaient reproché à l’interprétation de Thimothée Chalamet de manquer de charisme, mais Denis Villeneuve ne semblait pas vouloir le désigner comme le personnage central de la saga, le présentant plutôt comme un jeune observateur inexpérimenté et couvé par sa mère, ne s’aguerrissant que progressivement tout au long du premier film. Dans Dune – deuxième partie, il a déjà l’étoffe d’un stratège militaire, menant des offensives contre les troupes Harkonnen, pourtant bien mieux armées que les Fremen. On pourrait voir une forme de subversion politique dans ses actions pour peu que l’on veuille reconnaitre l’Amérique dans l’impérialisme du clan Harkonnen, bien que Villeneuve semble avoir choisi de ne pas forcer le trait de la métaphore contemporaine inhérente à de nombreuses œuvres de science-fiction.

Paul Atréïdes recherche avant tout à se venger du Baron Harkonnen (Stellan Skarsgard), responsable du massacre de sa famille. Mais ce dernier envoie un guerrier assoiffé de sang, Feyd Raucha (Austin Butler, méconnaissable) pour écraser la rébellion tandis que Paul Atréides, de plus en plus conscient du statut messianique qu’il acquiert, se voit contraint de faire des choix personnels et politiques de plus en plus difficiles. Malgré l’amour et l’admiration qu’elle lui porte, Chani réalise que l’intégrité et la vertu de Paul ne sont pas inébranlables au milieu des jeux de pouvoirs orchestrés par l’empereur (Christopher Walken) et la princesse Irulan (Florence Pugh). A moins que cela ne soit qu’une ruse pour arriver à ses fins ? Si Warner et Villeneuve avaient eu une idée payante avec une distribution empruntant à Marvel et DC Comics des visages familiers auprès des « adulescents » (Zendaya, Dave Bautista, Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Jason Momoa, Oscar Isaac), il s’agissait d’un cheval de Troie pour un film en rien semblable d’un point de vue thématique et rythmique aux productions en question. Hélas, en délaissant les enjeux politiques complexes pour se concentrer sur l’ascension de Paul Atréides et sa relation avec Chani, Dune – deuxième partie finit par servir la soupe à ce public avec lequel il faut aujourd’hui compter si on veut remplir les caisses.

« Arrête de ramer, t’es sur le sable »

Villeneuve joue malheureusement une partition monophonique, la grande majorité du métrage se déroulant sur Arrakis et la plupart des seconds rôles se retrouvant réduits à une figuration de luxe (les apparitions de Josh Brolin, Charlotte Rampling, Dave Bautista ou Christopher Walken tiennent du cameo). Réitérant à plusieurs reprises la thématique messianique de l’histoire à coup de longs échanges de regards sur fond de sable fin entre les deux tourtereaux, et bien que certaines scènes annoncent déjà la ligne ténue qui sépare le sauveur du tyran pour la suite, Villeneuve n’en accouche pas moins ici d’un film plus linéaire et simpliste que l’on était en droit d’attendre au vu de la pharaonique exposition qui avait précédé. Un court résumé en début de projection (du style « précédemment dans Dune… ») pourrait même suffire à suivre sans difficultés ce second épisode, dont le découpage et la structure évoquent parfois une mini-série. Car malgré le grand spectacle offert par les scènes de bataille, les dialogues explicitant les sentiments et motivations des personnages prennent le pas sur leur signification et démonstration par les actes. On peut aussi avoir le sentiment que l’effet de surprise se dilue et que Villeneuve tourne parfois en rond dans l’univers cinématographique qu’il a défini. Les fameux vers des sables sont de retour mais sont devenus un phénomène assez banal – voir la façon dont les Fremen semblent désormais les chevaucher aussi facilement que l’on emprunte un vélib dans Paris. Pire, cet épisode n’introduisant pas de nouvelles planètes, on a parfois l’impression de regarder un long épilogue coupé du premier film… Au-delà des nombreuses réserves émises ci-dessus, difficile néanmoins de bouder son plaisir immédiat de spectateur : avec sa photographie superbe au format IMAX, ses séquences d’action parfaitement découpées et ses acteurs au diapason, on en prend plein les mirettes et c’est déjà pas mal, même si le métrage peut s’avérer frustrant à plusieurs niveaux. A revoir et réévaluer quand le troisième volet sortira !

 

 © Jérôme Muslewski


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