Les futurs scénaristes d’Indiana Jones et le temple maudit et Howard the Duck signent un film d’horreur atypique et expérimental…
MESSIAH OF EVIL
1973 – USA
Réalisé par Willard Huyck
Avec Marianna Hill, Michael Greer, Joy Bang, Anitra Ford, Royal Dano, Elisha Cook Jr., Charles Dierkop, Bernie Robinson, Morgan Fisher, Emma Truckman
THEMA ZOMBIES
Proches de George Lucas depuis leurs études communes à l’USC, les scénaristes Gloria Katz et Willard Huyck écrivirent pour lui American Graffitti, Indiana Jones et le temple maudit, Howard une nouvelle race de héros (que Huyck réalisa lui-même) et Radioland Murders. Mais avant de se lancer dans le cinéma mainstream, le couple fit ses premières armes sur un film d’horreur expérimental aux influences disparates (La Nuit des morts-vivants, Carnival of Souls, les giallos de Dario Argento, la Nouvelle Vague française, H.P. Lovecraft) qui se redécouvre aujourd’hui avec une certaine fascination mêlée de perplexité. Entamé en 1971 sous le titre The Second Coming, le film doit s’interrompre en cours de tournage faute de financements suffisants et ne sortira en salles que trois ans plus tard sous le titre The Messiah of Evil. Ces conditions de production précaires et chaotiques expliquent sans doute en partie le caractère erratique et souvent confus de ce long-métrage insaisissable qui ne livre pas toutes ses clefs et qui, avec sa propension à distiller des séquences insolites sans forcément les expliquer ni même les justifier, annonce quelque part certaines des composantes du cinéma de David Lynch.
La scène prégénérique (un meurtre au rasoir perpétré par une jeune fille sur le tempo d’une chanson langoureuse) permet au film de démarrer d’emblée sur une touche étrange et déstabilisante, d’autant que cette séquence n’a absolument aucun rapport avec le reste du métrage ! L’héroïne de Messiah of Evil, incarnée par Marianna Hill, se prénomme Arletty, en hommage au cinéma français des années 40 (preuve que Katz et Huyck sont des cinéphiles aux goûts variés). À la recherche de son père, elle débarque dans sa maison en bord de mer, dans la ville côtière de Point Dune, et y découvre un journal intime empli de confessions bien peu rassurantes. Sur place, Arletty rencontre Thom (Michael Greer), un dandy artistocrate flanqué de deux compagnes aux allures de groupies, Toni et Laura (Joy Bang et Anitra Ford). Tous trois emménagent avec Arletty et tentent avec une conviction très modérée de l’aider à élucider la mystérieuse disparition de son père. À partir de là, la situation dégénère et l’horreur s’installe à Point Dune…
L’inquiétante étrangeté
L’atmosphère de Messiah of Evil est tellement atypique qu’il est difficile de savoir si le malaise qu’il procure provient d’une série de maladresses et d’imprévus ou si tout était calculé à l’avance. Sans doute la vérité se trouve-t-elle à mi-parcours. Ainsi, malgré l’amateurisme de la plupart des comédiens (notamment l’expressivité toute relative de Joy Bang et Anitra Ford), deux séquences particulièrement inventives ont marqué les mémoires : l’attaque d’une des jeunes femmes dans un supermarché (prélude à ce que nous verrons quelques années plus tard dans Zombie) et celle de son amie dans un cinéma désert qui s’emplit peu à peu de spectateurs au visage blafard. Plein de bonne volonté, Willard Huyck redouble d’idées visuelles originales, notamment l’inscription de ses personnages dans un environnement truffé de trompes l’œil (la maison dont chaque mur est recouvert de peintures représentant d’inquiétants personnages) et toutes les folles compositions offertes par un tel décor. Mais il est bien difficile de comprendre de quoi parle ce film. D’un culte satanique ? D’une apocalypse zombie ? D’une contamination ? D’une vieille malédiction ? Rien ne se tient vraiment dans cette intrigue accidentée, mais cet exercice de style demeure très intéressant – et totalement à contre-courant de ce que Huyck et Katz feront par la suite.
© Gilles Penso
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