LES YEUX DE LA FORÊT (1980)

Le studio Disney tente une incursion audacieuse dans le cinéma d’épouvante à travers cette fausse histoire de fantômes…

WATCHERS IN THE WOODS

 

1982 – USA

 

Réalisé par John Hough et Vincent McEveety

 

Avec Lynn-Holly Johnson, Bette Davis, Carroll Baker, Kyle Richards, David McCallum, Ian Bannen, Richard Pasco

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES

À la fin des années 70, le studio Walt Disney décide s’encanailler en s’attaquant à un autre public que les enfants. Leur cible ? Les jeunes adultes. Pour satisfaire cette tranche d’âge, une approche plus sérieuse de la science-fiction et du fantastique s’impose avec en prime – pourquoi pas – un peu d’épouvante. Le long-métrage qui essuie les plâtres de cette nouvelle politique est Le Trou noir (surfant sur la vogue de La Guerre des étoiles sous un angle rétro-futuriste emprunté à Jules Verne). Les Yeux de la forêt prend la suite. Le producteur Tom Leetch vend l’idée à Ron Miller, alors tête pensante de Disney, en ces termes : « ce sera notre Exorciste ! » C’est le livre « A Watcher in the Woods » de Florence Engel Randall, publié en 1976, qui sert de source d’inspiration au film. Le premier scénariste chargé d’en tirer un script est Brian Clemens (Chapeau melon et bottes de cuir, Docteur Jekyll et Sister Hyde, Le Voyage fantastique de Sinbad), mais sa proposition est jugée trop sombre. C’est finalement la version écrite par Rosemary Anne Sisson qui est validée, révisée par de nombreux co-auteurs officieux. Si Ron Miller pense à John Hough pour la mise en scène, c’est non seulement parce que le cinéaste est un habitué des productions Disney (La Montagne ensorcelée, Les Visiteurs d’un autre monde) mais aussi parce que son film d’épouvante La Maison des damnés l’a fortement impressionné. C’est le même type d’atmosphère – plus soft bien sûr – qu’il souhaite retrouver dans Les Yeux de la forêt.

Bette David, que Hough avait justement dirigée l’année précédente dans Les Visiteurs d’un autre monde, incarne madame Elwood, une vieille femme excentrique en quête de gens « comme il faut » pour louer son manoir dans les bois. La famille Curtis postule, étonnée par le faible prix du loyer. Il s’agit de Paul (David McCallum), compositeur d’opéras, d’Helen (Carroll Baker), auteur de livres pour enfants, et de leurs deux filles Ellie (Kyle Richards) et Jan (Lynn-Holly Johnson). Tous les ingrédients sont donc en place pour la « ghost story » traditionnelle, et la mise en bouche n’est d’ailleurs pas sans évoquer Trauma de Dan Curtis. Dès l’entame, Liane, l’aînée des Curtis, est témoin de phénomènes étranges tels qu’une lueur bleue dans la forêt, une vitre qui se brise à son contact ou encore un miroir qui ne la reflète pas… Sa sœur cadette Ellie, de son côté, entend parfois une voix qui lui murmure des noms ou lui fredonne des chansons. Ces événements semblent liés à la mystérieuse disparition de Karen, la fille de madame Elwood, survenue plusieurs décennies plus tôt. Les bizarreries ne vont pas tarder à s’intensifier, notamment dans le palais des glaces d’un parc d’attractions où Liane voit l’image démultipliée de Karen, les yeux bandés, appelant au secours…

Derrière les branches…

Habile, la mise en scène de John Hough joue sans cesse avec l’idée que de mystérieux observateurs sont cachés dans les bois (les « watchers in the woods » du titre). La caméra se place donc souvent derrière les branchages, adoptant un point de vue subjectif déstabilisant. Mais Les Yeux de la forêt est un film trompeur. Car si plusieurs éléments rappellent Poltergeist, sorti sur les écrans la même année, nous n’avons pas ici affaire à un film de fantômes mais plutôt à un récit de science-fiction mâtiné d’épouvante, puisqu’il est question de mondes parallèles et de transferts d’énergie à la faveur d’une éclipse. Ce parti pris est loin d’être inintéressant, même si le scénario souffre d’un sérieux manque de crédibilité. Il faut dire que le film fut victime d’une post-production chaotique. Sorti en avant-première dans plusieurs salles, Les Yeux de la forêt a en effet été modifié et adouci après la réaction de spectateurs visiblement trop effrayés par le film. La séquence d’ouverture et tout l’épilogue ont donc été retournés par un autre réalisateur, Vincent McEveety, ce qui explique le caractère un peu hybride et décousu du résultat final. Il n’empêche que ce long-métrage atypique marquait la volonté de faire un peu bouger les lignes au pays de Mickey, ouvrant une brèche dans laquelle s’engouffrèrent ensuite Le Dragon du lac de feu, Tron et La Foire des ténèbres.

 

© Gilles Penso


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