JE SUIS VIVANT ! (1971)

Un « faux giallo » dans lequel un homme que tout le monde croit mort gît dans une morgue et se remémore son passé trouble…

LA CORTA NOTTE DELLE BAMBOLE DI VETRO

 

1971 – ITALIE

 

Réalisé par Aldo Lado

 

Avec Jean Sorel, Barbara Bach, Ingrid Thulin, Mario Adorf, Fabijan Sovagovic, José Quaglio, Relja Basic, Piero Vida, Daniele Dublino, Sven Lasta, Luciano Catenacci

 

THEMA MORT

Je suis vivant ! est le premier film d’Aldo Lado, jusqu’alors scénariste d’une poignée de longs-métrages, assistant-réalisateur de quelques westerns et futur metteur en scène de Qui l’a vue mourir ?, La Bête tue de sang-froid ou encore L’Humanoïde. Le premier titre envisagé pour le film est Malastrana, du nom d’un quartier artistique tchèque que fréquentait notamment Franz Kafka (et que l’on pourrait traduire par « petite ville »). Peu convaincus par ce titre pas assez commercial à leur goût, les producteurs demandent à Lado de revoir sa copie. Le film s’appellera finalement La Corta notte delle bambole di vetro (autrement dit « La courte nuit des poupées de verre »), dans l’esprit des giallos post-Mario Bava qui prolifèrent depuis les années 60 sur les écrans italiens. Les distributeurs français opteront pour Je suis vivant !, un titre que le réalisateur détestera à cause de son caractère trop trivial et trop révélateur des mécanismes de l’intrigue. Si Aldo Lado est seul crédité en tant que scénariste (avec des dialogues additionnels signés Rüdiger von Spies), d’autres auteurs se sont succédé pour donner au récit sa forme définitive, notamment Sergio Bazzini. Tourné pendant cinq semaines à Zagreb, Ljubljana, Rome et Prague, Je suis vivant ! est rythmé sur une bande originale d’Ennio Morricone, alors en pleine période expérimentale.

Tout commence par la découverte du cadavre d’un homme dans un parc à Prague. Le corps, ramené à la morgue locale, est celui du journaliste Gregory Moore (Jean Sorel). Mais ce dernier n’a que l’apparence de la mort. Il est bien vivant, prisonnier d’un corps inerte qui a toutes les caractéristiques de la rigidité post-mortem. Alors que les médecins légistes s’interrogent sur son état, Moore voyage par la pensée jusque dans son passé. Ses souvenirs se concentrent sur la disparition mystérieuse de son amie Mira (Barbara Bach), évaporée dans la nature sans laisser de trace. Un corps fut retrouvé dans le fleuve mais ce n’était pas le sien. Mira est-elle vraiment morte ? Pourquoi les amis de Gregory semblaient-ils si réticents à l’aider dans ses recherches ? C’est après une enquête menée dans les recoins les plus sinistres de la ville, entre clubs occultes, conspirations étranges, meurtres et vampirisations des âmes, que notre homme s’est retrouvé dans cet état catatonique. Mais que s’est-il réellement passé ?

Les choses de la vie

Dès ses premières minutes, Je suis vivant ! s’amuse à nous plonger dans une ambiance étrange, oppressante et irréelle qui perdurera tout au long du film. Lorsqu’un jardinier découvre le corps prostré de Gregory, c’est à un improbable passant cul-de-jatte qu’il demande de surveiller le corps pendant qu’il appelle les secours. Toute une galerie de personnages secondaires décalés peuplent ainsi ce récit accidenté, des amoureux qui s’amusent dans un cimetière au bibliothécaire capable de tout mémoriser en passant par les badauds bizarrement collés à une porte vitrée, les amateurs de musique de chambre grimés en morts-vivants ou le scientifique qui teste le seuil de douleur d’une tomate ! Dans le même esprit, Aldo Lado multiplie à loisirs les angles de vues insolites dont l’incongruité apparente participe finalement d’une certaine logique quand on connaît le fin mot de l’histoire. Il n’est pas impossible que Lado ait emprunté aux Choses de la vie de Claude Sautet, sorti l’année précédente, le principe de flash-backs fractionnés se bousculant dans l’esprit d’un homme entre la vie et la mort. Toujours est-il que son film est une curiosité hautement recommandable qu’on a souvent tendance à ranger dans la catégorie des giallos mais qui en réalité ne se prête à aucune classification habituelle.

 

© Gilles Penso


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