WALL-E (2008)

Le réalisateur de 1001 pattes et du Monde de Nemo met en scène une fable de science-fiction liant deux robots dans un monde futuriste dévasté…

WALL-E

 

2008 – USA

 

Réalisé par Andrew Stanton

 

Avec les voix de Ben Burtt, Elissa Knight, Jeff Garlin, Fred Willard, MacInTalk, John Ratzenberger, Kathy Najimy, Sigourney Weaver, Brian Cummings, Karleen Griffin

 

THEMA ROBOTS I FUTUR I SAGA PIXAR

L’idée de Wall-E remonte à 1994, époque où le projet s’appelait encore Trash Planet. Pete Docter et Andrew Stanton travaillaient sur ce film avant même que Toy Story ne sorte sur les écrans, et il aura fallu de nombreuses années pour qu’il puisse enfin se concrétiser. Même s’il s’adresse en priorité à un jeune public, Wall-E s’inscrit dans la vogue des grands films de science-fiction écologiques des années 70, dont l’un des fers de lance est le Silent Running de Douglas Trumbull, tout en intégrant la prise de conscience environnementale des années 2000. En s’appuyant sur l’observation sans concessions d’une humanité autocentrée et vouée à sa propre perte, le scénario de Stanton décrit un monde futuriste d’autant moins rassurant qu’il est tout à fait envisageable. Devenue un dépotoir géant jonché de montagnes de poubelles hautes comme des buildings, la Terre a été abandonnée par les humains qui sont partis fonder des colonies dans l’espace. Seuls sont restés sur place des robots de la série Wall-E qui ont pour mission de nettoyer la planète en attendant un éventuel retour des Terriens. Mais après 700 ans, un seul de ces robots est encore activé et continue inlassablement de collecter les déchets, au fil d’une tâche quotidienne, routinière et dérisoire. La vie de ce tas de ferraille monté sur chenilles est soudain bouleversée par l’apparition d’un magnifique robot femelle au design épuré et aérien, EVE.

Pour imaginer le look des deux robots principaux du film, le principe établi dès les premières phases de design est la rupture : Wall-E et EVE doivent être les plus dissemblables possibles, prélude à une sorte de relecture futuriste et cybernétique de la Belle et la Bête. Pour EVE, blanche, épurée et immaculée, on sollicite Jonathan Ive, vice-président senior des concepts industriels d’Apple. Wall-E, de son côté, est envisagé comme une sorte de mixage contre-nature entre R2-D2 et Buster Keaton. C’est en effet un clown triste qui sait se montrer particulièrement expressif malgré un jeu facial très limité. Alors qu’il avait évité le photoréalisme des fonds marins pour Le Monde de Nemo, Stanton change son fusil d’épaule avec Wall-E, dont la première partie se déroule dans un univers tellement crédible – du point de vue de l’imitation de la réalité physique – que nous n’avons pas l’impression d’avoir affaire à un film d’animation. Ce sentiment est renforcé par l’utilisation d’acteurs réels, une grande première chez Pixar. Le comédien Fred Willard apparaît ainsi sur un écran dans le rôle du président de la multinationale Buy-n-Large, pour expliquer le départ des humains vers l’espace. D’autres acteurs sont sollicités pour montrer les terriens du futur, heureux de quitter leur planète natale pour vivre la grande aventure spatiale dans un confort idyllique et aseptisé. Ce choix artistique peut surprendre, car dès que l’action se transporte dans l’espace et que nous découvrons enfin ce qu’est devenu l’humanité – des bibendums apathiques assis sur des sièges volants et les yeux rivés sur des écrans – les acteurs réels disparaissent au profit de personnages animés volontairement caricaturaux.

Détour vers le futur

Cette vision d’une population en surpoids, incapable de marcher et intégralement assistée par les machines et l’intelligence artificielle est terrible parce qu’elle est plausible. Et même si la ligne graphique adoptée par Andrew Stanton et ses équipes s’oriente volontairement vers le cartoon, le rire reste un peu coincé dans la gorge des spectateurs face à ce reflet un peu trop inquiétant de ce que nous pourrions devenir. A l’allure que prennent les choses, comment empêcher que la Terre devienne une poubelle et ses habitants des êtres sans autonomie réduits à l’état de corps mous et enflés ? Telle est la question que pose en substance Wall-E. De nombreuses allusions à 2001 l’odyssée de l’espace ponctuent le film, notamment l’utilisation dans la bande originale du « Beau Danube Bleu » de Johann Strauss et Auto, l’ordinateur de bord du vaisseau spatial, qui présente beaucoup de similitudes avec Hal 9000. Pour boucler le jeu des influences science-fictionnelles, Auto a la voix de Sigourney Weaver, star d’Alien dont l’ordinateur de bord s’inspirait déjà de celui de 2001. S’extrayant du simple statut de film d’animation pour s’affirmer comme une grande œuvre de science-fiction, Wall-E permettra à la vaste collection d’Oscars du studio Pixar de s’orner d’une nouvelle statuette.

 

© Gilles Penso


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