Dix ans après L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Tim Burton retrouve la stop-motion pour célébrer un mariage très spécial…
THE CORPSE BRIDE
2005 – USA
Réalisé par Tim Burton et Mike Johnson
Avec les voix de Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Emily Watson, Tracey Ullman, Paul Whitehouse, Joanna Lumley, Albert Finney, Richard E. Grant
THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON
Tout le monde a gardé en mémoire L’Étrange Noël de Monsieur Jack, qui poussait jusque dans ses ultimes retranchements l’animation en volume, à une époque où Jurassic Park semblait pourtant avoir jeté aux oubliettes cette vénérable technique. Instigateur de ce projet fou qui s’inscrivait volontairement à contre-courant du tout numérique, Tim Burton décide de renouveler l’expérience dix ans plus tard avec Les Noces funèbres. En cherchant à réhabiliter la viabilité d’un long-métrage en stop-motion, Tim Burton veut prouver une fois de plus que l’image de synthèse n’est pas le seul moyen de créer de l’animation à destination du grands public, un besoin motivé par le succès colossal des films produits alors par le studio Pixar. Le scénario des Noces funèbres s’inspire d’une légende russe du 19ème siècle dans laquelle un jeune homme se fiance par erreur avec une femme revenue d’entre les morts. Cette histoire lui est rapportée par le scénariste et storyboarder Joe Ranft, qui fut justement un pilier des studios Pixar. Si, à l’époque de L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Burton avait laissé le fauteuil de réalisateur à Henry Selick, il tient cette fois-ci à co-diriger le film avec Mike Johnson, talentueux animateur reconverti à la mise en scène. Étant donné qu’il mène de front plusieurs projets simultanément, il ne peut se permettre de passer trois ans sur le tournage des Noces funèbres, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’y impliquer totalement, tout en démarrant le tournage de Charlie et la chocolaterie.
Dans le bureau de son co-réalisateur Mike Johnson s’accumulent vite des dizaines de cahiers remplis de dessins, du simple croquis crayonné à la splendide peinture multicolore. Beaucoup d’entre eux sont l’œuvre de Tim Burton lui-même. On y trouve l’évolution du design de tous les personnages, des décors et de certaines séquences. C’est là que naissent les idées les plus folles, comme ce squelette au thorax percé d’un énorme trou (on voit la bière y couler quand il boit !), ces cuisiniers zombies dont le visage tombe en morceaux dans les plats qu’ils préparent ou cette tête qui se déplace sur le dos de plusieurs cafards ! Dans sa forme finale, le scénario des Noces funèbres, rédigé par le fidèle John August (Big Fish, Charlie et la chocolaterie), raconte la mésaventure de Victor, revenu sur la terre de ses ancêtres pour épouser sa promise. Suite à un concours de circonstance, son alliance vient se glisser sur le doigt d’un cadavre, celui d’une femme assassinée qui surgit aussitôt d’outre-tombe pour réclamer le mariage qui vient de lui être promis. Pour remettre les choses dans l’ordre, Victor va devoir braver ses peurs et entrer dans le monde des morts… Un monde extrêmement coloré et étrangement joyeux, dans la continuité du spectacle que Burton nous offrit dans Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Ironiquement, cette vision positive et festive de l’au-delà, inspirée en grande partie par le Jour des Morts que célèbrent les Mexicains, ressurgira bien des années plus tard dans Coco, produit par le studio Pixar, comme si la boucle n’en finissait pas de se boucler.
Des voix familières
Une fois le script définitivement établi et les dessins validés, les comédiens entrent en jeu, à l’occasion d’une longue séance d’enregistrement des voix. Et le casting des Noces funèbres a quelque chose de familier, car on y retrouve Johnny Depp, Helena Bonham Carter et Christopher Lee, déjà à l’affiche de Charlie et la chocolaterie, ainsi qu’Albert Finney (Big Fish), Joanna Lumley (James et la pêche géante) et Michael Gough (Batman). Inscrit dans un contexte proche du cinéma d’épouvante victorien (comme le prénom du héros le suggère ouvertement), Les Noces funèbres se tourne aux studios Three Mills de Londres. Près de 500 figurines d’animation sont construites pour les besoins du film, chaque personnage principal existant en de nombreux exemplaires. Si la magie n’opère pas avec la même spontanéité que L’Étrange Noël de Monsieur Jack, Les Noces funèbres fait tout de même son petit effet et nous offre de très beaux moments de poésie macabre, collectionnant les séquences incroyables et donnant la vedette à un protagoniste qui ressemble à une version adulte du Vincent des débuts de Tim Burton. Cerise sur le gâteau, Danny Elfman se fend d’une nouvelle partition délicieusement gothique qu’il constelle de chansons pleines d’emphase et de morceaux mi-comiques mi-mélancoliques.
© Gilles Penso
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