ACIDE (2023)

Après La Nuée, Just Philippot continue d’aborder le genre fantastique sous un angle ultra-réaliste en imaginant une terrible catastrophe écologique…

ACIDE

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Just Philippot

 

Avec Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Sulianne Brahim, Marie Jung, Martin Verset, Clément Bresson

 

THEMA CATASTROPHES

Acide est au départ un court-métrage que Just Philippot réalise en 2018 et qui remporte un certain succès. L’idée de l’adapter sous forme de long-métrage le titille dès 2019, mais les complications budgétaires qu’entraîneraient un tel projet le freinent dans son élan, le poussant à réaliser un film fantastique moins gourmand en effets spéciaux : La Nuée. L’idée d’Acide revient pourtant vite sur le tapis. En revoyant certaines de ses ambitions à la baisse (notamment concernant la visualisation du cataclysme, envisagée d’abord à beaucoup plus grande échelle), Philippot parvient à monter le film financièrement, avec l’aide du CNC et de la région Île-de-France. Si le scénario reprend le principe des pluies acides (déjà décliné entre autres dans le téléfilm Dark Skies de Ron Oliver en 2009), les personnages ne sont pas ceux du court-métrage initial. Avec l’aide de son co-scénariste Yacine Badday (Sous le ciel d’Alice, L’Été éternité), Philippot revisite donc son œuvre de 2018 en imaginant une nouvelle poignée de protagonistes plongés dans la tourmente. « J’y parle d’une famille décimée qui essaye de sortir d’une catastrophe », dit-il pour définir son second long-métrage. « C’est un film tendu, un drame familial fantastique » (1).

C’est sous un angle social, terre-à-terre, profondément ancré dans le réel, que Just Philippot fait démarrer Acide. À travers les images captées de manière accidentelle par des smartphones et des caméras embarquées, selon le principe du « found footage », une violente altercation entre un patron, ses ouvriers puis des CRS nous saute aux yeux. L’accident de travail de Karin (Sulianne Brahim) a provoqué la colère de tous ses collègues, notamment de Michal (Guillaume Canet) dont le comportement extrêmement brutal lui vaut des démêlées avec la justice. Désormais assigné à résidence avec un bracelet électronique, il gère comme il peut sa vie complexe entre une petite amie hospitalisée, une fille adolescente en révolte et une ex-femme dépassée par la situation. La tension monte sérieusement d’un cran lorsque des nuages de pluies acides dévastatrices s’abattent sur la région, provoquant mort et destruction sur leur passage…

Après eux… le déluge

Dès lors, le moindre nuage devient menaçant, chaque grondement du ciel est porteur d’inquiétude, et lorsque finalement la pluie se mue en vitriol mortellement corrosif, la panique s’empare du monde. Le portrait que le cinéaste dresse de son prochain n’est guère reluisant. Plongé dans une catastrophe dont il est seul responsable – à force de laisser sa planète dépérir en rejetant dans l’air tous les produits toxiques possibles et imaginables -, l’homme révèle des instincts primaires égoïstes. C’est le règne du « chacun pour soi », du « après moi le déluge ». Les transhumances forcées sont filmées avec beaucoup de réalisme, mot d’ordre du film qui refuse d’emprunter les voies classiques – ultra-spectaculaires et archétypales – du cinéma catastrophe traditionnel. Le film doit faire vrai parce que ce qu’il raconte est plausible, ce qui ne l’empêche pas de recourir à toute une batterie d’effets spéciaux (numériques, physiques, pyrotechniques, cosmétiques) pour asseoir visuellement sa crédibilité. Rien n’empêche par ailleurs d’appréhender ces pluies diluviennes fatales comme l’équivalent moderne de celles décrites dans la Bible, lavant la Terre de tout ce que l’être humain compte d’irresponsabilités, de bêtise et d’inconscience. Le drame ne se dénoue d’ailleurs pas vraiment, laissant le spectateur sur une note finale amère et désenchantée.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans « La Nouvelle République » en février 2021.

 

© Gilles Penso


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