Lorsqu’un enfant grandit et quitte la maison familiale pour ses études universitaires, que deviennent les jouets de sa chambre ?
Le succès phénoménal des deux premiers Toy Story, indiscutablement mérité, fit vite germer des envies de troisième épisode auprès des dirigeants de Walt Disney et Pixar Animation. Mais au milieu des années 2000, les deux compagnies se mirent à entretenir de complexes relations d’amour/haine qui faillirent déboucher sur un divorce et se conclurent contre toute attente sous la forme d’une fusion. Le projet Toy Story 3, amorcé en 2004 et imaginé autour d’un rapatriement de Buzz à Taïwan pour cause de réparations, fut donc abandonné puis entièrement ré-imaginé, ce qui explique le délai considérable qui sépare cet épisode du précédent (onze ans !). Et c’est Lee Unkrich, monteur de Toy Story et 1001 pattes et co-réalisateur de Toy Story 2 et Monstres et compagnie, qui fut chargé de diriger en solo ce troisième opus. Généralement, les séquelles tardives peinent à retrouver l’éclat de leurs prédécesseurs, l’inventivité de la création initiale s’étant quelque peu évaporée en cours de route. Toy Story 3 fait exception, ravivant l’enthousiasme qui nous anima en découvrant pour la première fois Woody, Buzz et leurs compagnons en plastique, et clôturant avec maestria une trilogie qui fera date dans l’histoire du cinéma.
Dès le premier Toy Story, John Lasseter avait compris que la performance technique ne présentait qu’un intérêt minime si elle ne servait pas une histoire forte et des personnages attachants. Ainsi son statut envié de « premier long-métrage en image de synthèse » s’effaça-t-il bien vite derrière celui de « chef d’œuvre du film d’animation », ni plus ni moins. Le deuxième épisode parvenait encore à surpasser son modèle en termes d’action, d’humour et d’émotion, tout en adaptant sa facture aux développements technologiques survenus entre temps. Depuis, les images numériques ont connu de nouvelles évolutions tandis que le relief s’est progressivement installé comme le nouveau gimmick incontournable du cinéma à grand spectacle. C’est en toute logique que Toy Story 3 se met au goût du jour, plongeant ses spectateurs dans un univers stéréoscopique immersif et perfectionnant les textures et les animations de ses personnages. Mais ces améliorations « cosmétiques » ne viennent jamais prendre le pas sur l’essence du concept, si forte et si universelle qu’elle continue à toucher avec autant d’impact les enfants et les adultes, chacun puisant dans ce film son lot de divertissement, de sensations fortes ou de nostalgie.
La palette des émotions
Co-écrit par Lee Unkrich, John Lasseter, Andrew Stanton (Nemo, Monstres et compagnie, Wall-E) et Michael Arndt (Little Miss Sunshine), Toy Story 3 nous éblouit par l’originalité de ses séquences d’action, et ce dès un prologue hallucinant qui projette sur grand écran l’imagination fertile d’un enfant transformant les jouets de sa chambre en héros d’épopées colossales et démentielles. Le reste du métrage n’est pas avare en scènes de cette ampleur, les moments de suspense s’appuyant souvent sur la mécanique du « film de prison » pour mieux en détourner les codes. Car la crèche où échouent les héros miniatures n’a rien à envier à Alcatraz, les clans s’y opposant sous la supervision faussement bienveillante d’un vieil ours en peluche aux méthodes douteuses. On le voit, chaque génération trouvera là matière à se réjouir en fonction de ses propres références. C’est aussi dans Toy Story 3 que surviennent quelques-unes des séquences les plus hilarantes jamais concoctées par les petits génies de Pixar, Buzz l’éclair nous livrant à l’occasion une prestation hispanisante pour le moins inattendue tandis que les relations parodiques entre Barbie et Ken valent leur pesant d’or. La richesse du film se mesure finalement à la largesse de sa palette émotive. A ce titre, le final s’avère plus poignant qu’on ne l’aurait cru, titillant la corde que l’on pensait insensibilisée et cherchant à éveiller et à combler l’enfant qui sommeille encore chez chacun d’entre nous.
© Gilles Penso
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