SPIDER-MAN NEW GENERATION (2018)

Un film d’une incroyable générosité qui transporte l’homme-araignée dans les méandres vertigineux des mondes parallèles…

SPIDER-MAN INTO THE SPIDER-VERSE

 

2018 – USA

 

Réalisé par Peter Ramsey, Bon Persischetti et Rodney Rothman

 

Avec les voix de Shameik Moore, Jake Johnson, Hailee Steinfeld, Mahershala Ali, Brian Tyree Henry, Lily Tomlin, Luna Lauren Velez, Zoe Kravitz, John Mulaney

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I SPIDER-MAN

Après ses prodigieux premiers pas « live » orchestrés par Sam Raimi, sa réinvention peu concluante sous les traits d’Andrew Garfield puis sa récupération par le studio Marvel à l’occasion de Captain America : Civil War puis Spider-Man Homecoming, l’homme araignée de Stan Lee et Steve Ditko redouble d’efforts pour continuer à convaincre le public sur grand écran. Mais comment surpasser la quasi-perfection de Spider-Man et Spider-Man 2 ? Alors que Marvel intègre comme il peut le monte-en-l’air à son Cinematic Universe, Sony, qui possède encore les droits d’exploiter le personnage sous une forme animée, décide de proposer une vision alternative. « Le mot d’ordre était simple : vous avez carte blanche à partir du moment où ce que vous faites ne ressemble pas aux films », explique le co-réalisateur Peter Ramsey. « Nous avons alors décidé de nous lancer dans des expérimentations en essayant de reproduire la sensation que l’on a quand on feuillette un comic book » (1). Lorsque s’affichent tour à tous les logos Sony, Columbia et Marvel, altérés furtivement par des interférences qui changent leur texture et leur style graphique, le spectateur sent bien que quelque chose d’inattendu est en marche. Il n’est pourtant pas prêt à un tel choc.

« Allez, je vous la refais encore une fois » annonce la voix off de Peter Parker avant de nous raconter ses origines en accéléré, histoire de prendre à revers cette manie du reboot qui n’en finit plus de réinventer les super-héros que nous connaissons déjà sur le bout des doigts. Les clins d’œil aux films de Sam Raimi irradient d’emblée l’écran, y compris les passages les plus gênants (la danse de Tobey Maguire dans Spider-Man 3 !). Nous sommes donc dans une démarche postmoderne assumée. Cela suffira-t-il à nous distraire pendant un long-métrage entier ? Oui ! Car le scénario a l’intelligence de ne pas nous emmener là où on l’attend. Le héros de cette histoire n’est pas Peter Parker mais Miles Morales, un jeune étudiant latino que les lecteurs des Marvel comics connaissent bien puisqu’il s’agit d’une version alternative du célèbre super-héros sévissant dans les pages de « Ultimate Spider-Man ». Comment le film compte-t-il donc s’y prendre pour mêler ces deux univers à priori incompatibles ? En convoquant les mondes parallèles, ouvrant ainsi la voie aux délires scénaristiques dans lesquels s’engouffrera le studio Marvel avec Spider Man No Way Home et Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Mais ici, les univers multiples ne sont pas une solution de facilité pour faire joujou avec les personnages et les situations. Ils constituent l’essence même du film, sa raison d’être et son challenge majeur : offrir au public une œuvre somme compilant près de soixante ans d’aventures du tisseur de toile.

Le choc des générations

Pour relever ce défi, Peter Ramsey, Bon Persischetti et Rodney Rothman concoctent un film funky, drôle, incroyablement bien rythmé mais aussi très émouvant, portant en substance des thématiques fortes liées à la responsabilité, l’apprentissage et la transmission. Et pour que cette générosité contamine la forme, les partis pris artistiques de Spider-Man New Generation repoussent toutes les limites. L’image de synthèse dernier cri est sollicitée pour donner aux spectateurs le sentiment inédit de regarder de véritables dessins prenant soudain du volume, du corps et du relief, avec en prime la convocation de l’imagerie traditionnelle de la BD (notamment l’incrustation des voix off et des onomatopées). Les nombreuses déclinaisons qu’aura pu connaître l’homme-araignée depuis sa naissance en 1962 – y compris les plus improbables – s’entrechoquent dans cette aventure vertigineuse où s’invitent de nombreux super-vilains réinventés sous des formes parfois inattendues (un Bouffon Vert monstrueux, un Rôdeur survolté, un Caïd monumental, un docteur Octopus au féminin ou encore un Scorpion hispanisant). Après un tel coup d’éclat, Tom Holland aura beau se démener de toutes ses forces dans le Marvel Cinematic Universe, ses exploits nous paraîtront bien fades en comparaisons du feu d’artifice que Spider-Man aura vécu dans le Spider-Verse.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2023

 

© Gilles Penso


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