LA NUIT DES HORLOGES (2007)

L’avant-dernier film de Jean Rollin, grand amateur de femmes vampires et d’érotisme fantastique, est une sorte d’étrange testament philosophique…

LA NUIT DES HORLOGES

 

2007 – FRANCE

 

Réalisé par Jean Rollin

 

Avec Ovidie, Sabine Lenoël, Natalie Perrey, Jean-Loup Philippe, Françoise Blanchard, Sandrine Thoquet, Maurice Lemaître

 

THEMA FANTÔMES I SAGA JEAN ROLLIN

La Nuit des horloges est un étrange film-testament dont le fil conducteur filiforme sert de prétexte au cinéaste Jean Rollin pour revenir sur l’ensemble de sa carrière en recyclant de nombreux extraits puisés dans sa filmographie fantastique. Ovidie, ex-star du X, y incarne une jeune femme en quête du défunt réalisateur et écrivain Michel Jean (double fictionnel de Rollin) qui fut son cousin et dont elle hérite de la maison de campagne. Elle n’a vu cet homme qu’une seule fois, mais il a laissé une très forte empreinte dans sa mémoire. Très intéressée par son cas, elle visite sa tombe au cimetière du Père-Lachaise puis la maison dont elle est désormais la propriétaire. Or ces deux lieux sont hantés par les personnages et fantasmes de Michel Jean. À partir de là, le film se met à osciller de manière aléatoire entre fantasme et réalité en brouillant volontairement les cartes. Au bout de 50 minutes de métrage, Ovidie nous dévoile son anatomie, fidèle à la longue liste des héroïnes impudiques de Jean Rollin, sans pour autant faire avancer le récit d’un iota ou conférer au film une once de plus-value. Étant donné la filmographie passée de l’actrice, ce déshabillage gentiment gratuit ne nous étonne pas outre mesure.

Tout au long de La Nuit des horloges, Jean Rollin ne cesse de citer sa propre œuvre, d’évoquer ses décors fétiches (« cette plage de Dieppe où il aimait tourner »), de faire apparaître des acteurs de ses films précédents et d’insérer dans son montage des extraits puisés dans sa filmographie. Des morceaux épars du Viol du Vampire, de Fascination, des Deux orphelines vampires, de La Rose de Fer et de La Fiancée de Dracula s’égrènent ainsi au fil de ce long-métrage qui prend clairement les allures d’un legs destiné aux générations suivantes. Marcel Jean – l’alter ego de Jean Rollin – est d’ailleurs mort et enterré dans le film, tandis que toutes les créatures issues de son imagination fertile errent encore aux alentours. Car l’œuvre est destinée à survivre à son créateur. Cette espèce de « best of » des films de Jean Rollin s’avère encore plus surréaliste et moins racontable que ses opus précédents. C’est comme si nous regardions la photocopie d’une photocopie : les traits sont moins précis, l’image d’origine moins nette.

« Ce sont les morts qui rêvent des vivants »

Comme toujours chez l’auteur, nous avons droit à une galerie de personnages insolites joués par des acteurs semi-amateurs et affublés de dialogues improbables versant volontiers dans l’absurde. « Vous voyez bien que je suis réelle, puisque je porte des ailes, alors que les fantômes n’en ont pas, ils n’ont rien », entend-on par exemple au détour d’une scène improbable. Dans un film comme La Nuit des horloges, il faut accepter de se laisser porter dans un univers « autre » déconnecté de tout ce qui se pratique habituellement, sous peine de décrocher en quelques secondes. Le leitmotiv de cette œuvre-somme – dont le titre se réfère bien sûr au temps qui défile inéluctablement – semble être une idée joliment poétique : « ce sont les morts qui rêvent des vivants, pas l’inverse ». Toute cette histoire sens dessus dessous serait donc imaginée par l’esprit posthume du réalisateur. Rétrospectivement, la démarche a quelque chose de touchant. Car Jean Rollin aura encore le temps de réaliser un ultime film en 2010, Le Masque de la Méduse, avant de s’éteindre pour de bon le 15 décembre de la même année. Et force est de constater qu’il avait raison : ses monstres féminins et ses cauchemars surréalistes lui ont survécu.

 

© Gilles Penso


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