En 1841, une jeune orpheline se réfugie dans la grotte sinistre d’un mystérieux forgeron dont on dit qu’il a passé un pacte avec le diable…
ERREMENTARI
2017 – ESPAGNE / FRANCE
Réalisé par Paul Urkijo
Avec Kandido Uranga, Eneko Sagardoy, Uma Bracaglia, Ramon J. Aguirre, Josean Bengoetxea, José Ramón Argoitia, Iñigo De la Iglesia, Gorka Aguinagalde
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Produit par Álex De la Iglesia, réalisateur ibérique de quelques pépites d’humour noir (Le Jour de la bête, Le Crime farpait), Errementari est le premier long métrage de Paul Urkijo, qui a reçu l’année de sa sortie le Prix du Public du 28e Festival du Cinéma Fantastique et de Terreur de Saint Sebastian. Complètement inscrit dans la tradition d’un cinéma fantastique espagnol qui a réussi à s’imposer avec quelques chefs-d’œuvre comme L’Échine du diable, Les Autres, [Rec] ou encore L’Orphelinat, le film offre son lot de créatures excentriques directement inspirées des bestiaires fascinants et parfois grotesques d’un Guillermo del Toro. Errementari partage d’ailleurs avec ses illustres grands frères un goût prononcé pour une colorimétrie affirmée, loin des grisâtres productions américaines aux tons désaturés. Cette signature esthétique parfaitement exécutée inonde chaque plan tout au long du métrage, permettant une immersion totale dans cette proposition si particulière. Très librement inspiré d’une légende folklorique, ce conte en langue basque relate les mésaventures de Usue, une jeune orpheline dont la mère s’est suicidée peu après sa naissance. Recueillie par un prêtre, la petite fille au tempérament bien trempé se heurte régulièrement à l’autorité de l’ecclésiaste en manquant volontairement les messes. Harcelée par les autres enfants du village, Usue n’a pour seul repère que sa poupée. Alors qu’un jour débarque un employé du gouvernement à la recherche de Patxi, le mystérieux forgeron reclus Usue, bousculée une fois de trop par des gamins cruels, va s’enfuir vers la forge maudite et faire une incroyable découverte…
Visuellement très réussi, Errementari épouse totalement son statut de conte macabre en baignant dans une ambiance sombre, à la photographie maîtrisée. Solidement réalisé par Paul Urkijo, le film offre quelques beaux moments, parfois entachés par des facilités scénaristiques et des clichés beaucoup trop récurrents dans ce genre cinématographique pour que le spectateur puisse encore passer outre. Ils ne sont en revanche pas légion et ne nuisent donc pas à l’expérience du film. Oscillant perpétuellement entre plusieurs tonalités, Errementari peine vraiment à trouver son rythme et son genre. De la légende dont il s’inspire, il a gardé le héros, Patxi, mais l’a ostensiblement dénué de ses principales caractéristiques, la perversion et la cruauté. Le forgeron dans cette itération est beaucoup moins sombre et bien plus héroïque. Le récit hésite donc souvent entre épouvante, comédie noire, horreur, sans toutefois réussir à convaincre dans chacun de ses genres, la faute à des partis-pris jamais totalement assumés.
Les diables par la queue
Là où le métrage, a contrario, se démarque, c’est dans sa représentation des démons et de l’Enfer, que l’on découvre mieux dans le dernier tiers. Paul Urkijo a très intelligemment opté pour des effets visuels pratiques et des maquillages extrêmement convaincants. Ses diables ont une apparence que l’on n’attendait pas dans un film de 2017 : rouges, avec des cornes, une longue queue et un trident, quasiment des gravures moyenâgeuses. Sitôt ce contact déroutant avec le démon passé, le récit part donc dans une autre direction que celle initiale : la relation entre le forgeron et la petite fille devient un conte, certes assez cruel, mais qui tranche avec le ton jusqu’ici plutôt réaliste de l’après-guerre civile et du quotidien d’une fillette mal-aimée. À partir de là, Errementari s’offre un peu plus d’humour et de légèreté avec ce démon burlesque, gesticulant et éructant sans cesse. Cependant, la noirceur n’est jamais loin, et le passé de Patxi, sombre et cruel, replonge le film dans un aspect plus sérieux. Jusqu’à l’hallucinante dernière partie en Enfer, certainement la plus réussie du film, qui vire au baroque et à l’outrance, rattrapant la légende, pour offrir un final diablement héroïque à son protagoniste. Émaillé par quelques thématiques intéressantes, comme le choix de Usue de partir en Enfer plutôt que de vivre avec des gens qui la méprisent, ou encore la rédemption du forgeron, Errementari souffre de quelques défauts mais est très généreux dans ses intentions et laisse un agréable sourire juste après le générique.
© Christophe Descouzères
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