CORALINE (2009)

Le réalisateur de L’Étrange Noël de monsieur Jack et de James et la pêche géante nous entraîne dans un conte de fées qui vire au cauchemar…

CORALINE

 

2009 – USA

 

Réalisé par Henry Selick

 

Avec les voix de Dakota Fanning, Teri Hatcher, Jennifer Saunders, Dawn French, Keith David, John Hodgman, Robert Bailey Jr, Ian McShane

 

THEMA CONTES I MONDES PARALLÈLES

Henry Selick est un artiste à contre-courant. En 1994, alors que tout le monde ne jure plus que par l’image de synthèse grâce aux exploits techniques de Jurassic Park, il réalise sous l’égide de Tim Burton L’Étrange Noël de Monsieur Jack où s’animent des centaines de figurines articulées. Trois ans plus tard, il continue à expérimenter les bonnes vieilles techniques manuelles sur James et la pêche géante alors que l’animation vient pourtant de connaître un tournant définitif avec Toy Story, le premier long-métrage 100% numérique. En 2009, alors que même les irréductibles créateurs de Wallace et Gromit délaissent momentanément la pâte à modeler au profit de l’ordinateur (pour Souris City), Henry Selick persiste et signe, magnifiant la « stop-motion » grâce à Coraline qui reste probablement dans les mémoires comme un véritable tour de force artistique et technique. Le roman de Neil Gaiman, auteur du célèbre « American Gods », était le matériau idéal pour les expérimentations de Selick. On y trouve en effet les composantes majeures de l’univers du cinéaste : une approche inquiétante et cauchemardesque du conte de fées, un jeune protagoniste plongé dans un univers parallèle dans lequel chaque élément de son propre monde trouve une correspondance fantasmagorique, des décors et des personnages colorés et exubérants… Bref, du pain béni pour cet ancien animateur de Walt Disney et de MTV à l’imagination débordante et à la créativité en perpétuelle ébullition.

Certes, le film s’avère moins angoissant que le livre, mais cette « édulcoration » existe moins pour des raisons consensuelles que dans le souci d’une meilleure progression dramatique et de la mise en place de nombreux rebondissements narratifs. Coraline et ses parents viennent d’emménager dans une étrange maison en lisière de forêt. Délaissée par un père et une mère trop occupés, la fillette découvre un jour une porte condamnée qui la fait basculer dans un univers parallèle joyeux… Mais les apparences sont trompeuses ! Car en pénétrant dans « l’autre monde », Coraline découvre une réplique euphorisante de sa propre maison. Sa mère n’est plus une working girl autoritaire mais une femme joyeuse et volubile, son père a perdu sa maladresse d’écrivaillon introverti pour se muer en musicien guilleret, des mets succulents abondent sur la table, les lieux regorgent de couleurs pétillantes, bref la morosité s’est transformée en véritable parc d’attractions familial. Il y a bien ces sinistres boutons qui remplacent les yeux des personnages, mais à ce détail près, Coraline exulte de l’autre côté du mur de sa maison. Ce n’est que plus tard que la véritable nature du cauchemar se révèle, faisant ouvertement basculer le long-métrage dans l’épouvante et ravivant chez les spectateurs (tous âges confondus) les peurs primales de leur petite enfance.

L’étrange voyage de Monsieur Selick

Artistiquement, Coraline est une pure merveille. La direction artistique du film, confiée au designer Tadahiro Uesugi, tranche avec le look habituel des films de marionnettes, et l’expressivité des personnages – Coraline en tête – est stupéfiante. Le moindre rictus, le moindre soulèvement de sourcil, le moindre plissement de joue révèlent la finesse du travail des animateurs dirigés par Selick et permettent de mesurer les progrès techniques obtenus depuis Les Noces funèbres de Tim Burton, pourtant à peine plus vieux de quatre ans. Et puis, grande première, Coraline est le premier long-métrage d’animation en volume à bénéficier d’un tournage en relief stéréoscopique. Déjà bien implantée dans le domaine de l’image de synthèse (comme viennent alors de le prouver Volt et Monstres contre Aliens), cette technique prend une toute autre mesure en stop-motion. Car ici les figurines et les décors existent réellement, et leur présence physique est quasiment palpable. Selick aura donc eu le bon goût et l’intelligence de marier l’artisanat à la haute technologie pour faire rêver et voyager son public. Pari réussi, une fois de plus.

 

© Gilles Penso


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