L’un des super-héros les plus involontairement drôles de l’histoire de la télévision affronte des monstres impensables lâchés sur notre planète…
SUPERKUTORUMAN
1971/1972 – JAPON
Créée par Ushio Shoji
Avec Tetsuo Narikawa, Toru Ohira, Kazuo Arai, Machiko Konish, Gara Takatori, Takanobu Toya, Koji Uenishi, Koji Ozaki, Yoko Shin, Takamitsu Watanabe
THEMA SUPER-HÉROS I EXTRA-TERRESTRES
« La planète Terre… La ville Tokyo… Comme toutes les villes à la surface du globe, Tokyo est en train de perdre la bataille contre ses deux ennemis les plus mortels : la dégradation de la nature et la pollution. En dépit des efforts désespérés de toutes les nations, l’air, la mer, les continents, perdent de plus en plus leur capacité à entretenir toute forme de vie… Quel est leur dernier recours ? Spectreman ! » Après ce texte d’introduction sentencieux et un poil inquiétant, la chanson du générique démarre sur un tempo joyeusement disco, gorgé de paroles d’une sublime poésie : « Plus rapide qu’un missile, audacieux, inflexible, mystérieux et invincible… Spectreman ! » Les téléspectateurs français qui découvrirent cette série invraisemblable en 1982 sur la défunte chaîne Antenne 2 n’étaient tous simplement pas prêts. San Ku Kaï avait pourtant déjà préparé le terrain, déclinant la vogue du space opera provoquée par la sortie de La Guerre des étoiles. Mais Spectreman, c’est autre chose : un super-héros gigotant au casque en pointe, des maquettes risibles suspendues par des fils bien visibles, une avalanche de monstres en caoutchouc grotesques… Contrairement à ce que sa diffusion hexagonale peut laisser imaginer, Spectreman est d’ailleurs antérieur à San Ku Kaï et s’inscrit dans la directe lignée d’une autre série de science-fiction nippone alors parfaitement inconnue en nos contrées : Ultraman.
La série se déroule dans un futur proche où la pollution est devenue un problème global qui affole toutes les nations. Le sujet peut sembler en avance sur son temps, mais les prises de consciences environnementales étaient déjà très présentes à l’aube des années 70, surtout à Tokyo considérée à l’époque comme la ville la plus polluée du monde. Au moment où Spectreman entrait en production sortait d’ailleurs sur les grands écrans Godzilla contre Hedora, où le célèbre dinosaure radioactif affrontait un monstre en perpétuelle mutation né d’une accumulation de déchets et d’ordures. Dans Spectreman, le grand méchant est Gori, un homme singe extra-terrestre au masque en plastique figé (ancêtre du Siman de San Ku Kaï ?) qui cherche à dominer la Terre en créant des monstres à partir de la pollution. La Fédération Galactique décide alors d’envoyer sur notre planète le cyborg Spectreman. Comme tout super-héros qui se respecte, ce dernier se dissimule sous une identité ordinaire, celle d’un sympathique et maladroit employé de bureau. Mais dès que le devoir l’appelle, il se transforme en ninja volant à taille variable et se bat contre les créatures géantes conçues par Gori…
Gare au Gori !
Même en s’interdisant tout cynisme et en s’efforçant de conserver la nostalgie de nos jeunes années post-San Ku Kaï et pré-X-Or, il est très difficile de revoir aujourd’hui un épisode de Spectreman sans être secoué de fous rires. Cette hilarité incontrôlable n’est pas tant due à l’absurdité des scénarios, à la pauvreté des cascades ou au jeu outré des comédiens, mais s’explique surtout par le fait que Spectreman est une véritable collection des monstres les plus ridicules jamais montrés sur un écran. Même avec des yeux d’enfant, le spectacle se révélait déjà aberrant. Pour autant, Spectreman put jouir d’un succès populaire à grande échelle, peut-être justement parce que les gamins se prêtaient au jeu avec une sorte d’assentiment complice. Voir toutes ces bestioles incarnées par des acteurs dans des combinaisons fort peu seyantes, ce super-héros jouant les justiciers dans sa panoplie en plastique ou ces engins extra-terrestres ne cachant jamais leur nature de maquettes miniatures, c’était une manière de s’amuser avec les réalisateurs et les acteurs, pour pouvoir ensuite, après la diffusion de chaque épisode, en reproduire les péripéties à l’aide de dinosaures en plastique et de petits soldats. Les effets spéciaux ratés en deviendraient presque des atouts, poussant par leur caractère tactile les jeunes téléspectateurs à tenter de les reproduire chez eux, comme face aux poupées des Thunderbirds. Un nombre impressionnant de produits dérivés fut commercialisé à l’époque de la diffusion (albums d’images, verres à moutarde, bandes dessinées, romans) et s’arrachent aujourd’hui à prix d’or chez les collectionneurs.
© Gilles Penso
Partagez cet article