Le réalisateur de Monsters, Godzilla et Rogue One revient en force sur les écrans avec une épopée de science-fiction incroyablement ambitieuse…
Mais qu’était-il arrivé à Gareth Edwards ? Les fans de science-fiction s’impatientaient d’avoir des nouvelles du réalisateur britannique surdoué qui avait su bricoler avec un budget anémique le remarquable Monsters avant de s’embarquer dans deux blockbuster exceptionnels, Godzilla et Rogue One… Puis plus rien. Ce silence radio prolongé avait quelque chose d’inquiétant. Se frotter de si près à la machine Star Wars ne s’était certes pas fait sans mal. Pour réussir à mettre sur pied ce qu’il est convenu de considérer comme le meilleur opus de la saga depuis les années 80, Edwards a perdu quelques plumes, a dû se plier à beaucoup de concessions et céder à une infinité de compromis éreintants. Faisant fi des propriétés intellectuelles qui ne lui appartiennent pas, Edwards s’est donc mis en tête de prendre tout son temps pour concocter un nouveau projet personnel, comme à l’époque de Monsters. Ce film alors sans titre commence à se développer fin 2019, avec le soutien du studio Regency, et Edwards se paie un séjour en Asie pour effectuer un certain nombre de tests. « J’ai pris une caméra et un objectif anamorphique des années 1970, et nous sommes allés faire des repérages au Viêt Nam, au Cambodge, au Japon, en Indonésie, en Thaïlande et au Népal » raconte-t-il. « Notre objectif était d’aller dans les meilleurs endroits du monde, car le coût d’un vol est bien inférieur à celui de la construction d’un décor. Nous allions faire le tour du monde et tourner ce film, avant d’y ajouter une couche de science-fiction » (1).
Nous sommes dans un futur relativement proche (dans vingt-cinq ans tout au plus) et les intelligences artificielles se sont déployées partout dans notre société. Les robots ne sont plus une exception mais une généralité côtoyant harmonieusement les humains au quotidien. Cette utopie digne de certains récits d’anticipation des années 50 vole en éclats le jour où une de ces I.A. fait exploser une ogive nucléaire au-dessus de Los Angeles, provoquant une hécatombe sans précédent. En réaction, les États-Unis et leurs alliés occidentaux s’engagent à éradiquer toutes les intelligences artificielles de la planète. Leurs efforts sont contrés par la Nouvelle-Asie, un pays d’Asie du Sud-Est dont les habitants continuent la conception massive de robots malgré les protestations de l’Occident. L’armée américaine lance alors une vaste campagne militaire dont l’objectif est de neutraliser « Nirmata », le mystérieux architecte à l’origine des progrès de l’I.A. en Nouvelle-Asie. L’une des armes de pointe de l’Occident est le coûteux U.S.S. NOMAD (North American Orbital Mobile Aerospace Defense), une gigantesque station spatiale qui survole les cieux ennemis, scanne les cibles hostiles et lance des attaques destructrices en un clin d’œil. Mais cet arsenal sera-t-il suffisant au sein du conflit complexe qui se prépare ?
Edwards aux mains d’argent
Non, Gareth Edwards n’avait pas besoin de se mettre au service de la vision de George Lucas pour démontrer ses capacités de concepteur d’univers science-fictionnels. Le monde qu’il a conçu pour son quatrième long-métrage est à la fois si singulier, si cohérent, si original et si beau (bon nombre de plans du film mériteraient d’être encadrés et exposés dans un musée) qu’il y aura de toute évidence un avant et un après The Creator. Ces robots partiellement humanoïdes, ces « Simulants » qui imitent les traits des humains sans trahir leur origine artificielle, ces véhicules de guerre volants, ces chars d’assaut titanesques, ces architectures cyclopéennes et bien sûr cette monstrueuse station NOMAD placent Gareth Edwards au même niveau qu’un Ridley Scott ou qu’un James Cameron en matière de design futuriste révolutionnaire. Mais réduire les ambitions The Creator à celles d’une simple réussite visuelle serait une erreur. Certes, placer l’intelligence artificielle au cœur de son propos et nous interroger sur la place qu’elle occupera bientôt dans nos vies n’a rien de particulièrement nouveau. Là où le scénario d’Edwards surprend, c’est dans les circonvolutions qu’il adopte pour mettre à mal tout manichéisme. Dans le conflit qu’il nous décrit, les choses seraient simples s’il suffisait de choisir un camp en adoptant un seul point de vue, quitte à diaboliser et déshumaniser l’ennemi pour se soustraire aux états d’âme. Mais les choses ne sont pas forcément ce qu’elles semblent être, et les choix moraux doivent désormais composer avec ces êtres artificiels que l’homme a créés et dont il doit assumer la paternité. Passionnant, palpitant, vertigineux, The Creator est assurément un film qui va faire date.
(1) Extrait d’une interview publiée dans GameRadar en juillet 2023
© Gilles Penso
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