LES DIX COMMANDEMENTS (1923)

Cecil B. De Mille porte à l’écran les épisodes les plus spectaculaires de l’Exode et montre leurs répercussions sur le monde moderne…

THE TEN COMMANDMENTS

 

1923 – USA

 

Réalisé par Cecil B. De Mille

 

Avec Theodore Roberts, Charles De Roche, Estelle Taylor, Julia Faye, Pat Moore, James Neill, Lawson Butt, Clarence Burton, Noble Johnson, Edythe Chapman

 

THEMA DIEU, LA BIBLE ET LES ANGES

Si tout le monde connaît Les Dix Commandements que réalisa en 1956 Cecil B. De Mille, avec Charlton Heston sous la barbe de Moïse et Yul Brynner dans la peau de Ramsès, moins nombreux sont les spectateurs familiers avec la version de 1923. Loin d’être un simple « brouillon » de la superproduction colorée passée à la postérité, son prédécesseur muet a ceci d’étonnant qu’il n’obéit pas à une structure narrative classique. La première partie résume certes le célèbre épisode de l’Exode narré dans l’Ancien Testament, avec son lot de tableaux dantesques dignes de Gustave Doré, de miracles divins, de décors gigantesques, de figuration vertigineuse et d’effets spéciaux audacieux. Mais à mi-parcours, le film change brutalement de cap pour s’intéresser à une poignée de personnages de l’Amérique des années 1920, afin d’étudier l’impact des commandements inscrits sur les tables de la loi dans le monde moderne. Ce parti-pris singulier est choisi d’un commun accord par Cecil B. De Mille et sa scénariste Jeanie MacPherson, qui envisagèrent dans un premier temps un film « à épisodes » avant d’opter par cette franche scission en deux parties : le prologue biblique et le récit contemporain.

C’est dans les dunes de Guadalupe-Nipomo, au nord de Santa Barbara, que Cecil B. De Mille s’installe avec son équipe pour reconstituer l’Égypte de l’antiquité. Comment ne pas s’émerveiller face à ces statues, ces monuments, ces pyramides et ces sphinx que le cinéaste fait construire grandeur nature pour qu’ils jaillissent avec panache à l’écran ? Certaines séquences sont d’autant plus impressionnantes qu’on les sait dénuées d’effets spéciaux et dont on imagine sans mal la complexité de mise en œuvre. Des milliers de figurants se déploient à grande échelle pour figurer la sortie du peuple hébreu hors d’Égypte, la traversée du désert ou encore la cavalcade des chariots menées par Ramsès. Les trucages entrent en jeu pour visualiser les colonnes de feu qui se dressent devant les Égyptiens, les éclairs divins qui traversent les cieux et bien sûr l’ouverture de la mer Rouge (un effet spectaculaire à base de caches et de prises de vues en bassin, qui sera réutilisé presque à l’identique dans la version de 1956). Chacun des dix commandements apparaît dans le ciel en lettres de feu, au milieu d’explosions incandescentes. Le film prend le temps de tous les montrer, décrivant en parallèle la fabrication et l’adoration du veau d’or par un peuple ayant perdu la foi. Dans cette version abrégée de l’Exode, ramassée sur 50 minutes, le scénario évacue volontairement de nombreux épisodes. C’est un Moïse monocorde que décrit le film. Jamais en proie au doute, prolongement humain de la voix et des agissements de Dieu, il adopte dès le début du métrage son look de vieux sage chenu et barbu. Nous ne le voyons jamais enfant, ni jeune, pas plus que l’on ne s’intéresse à ses liens fraternels avec le Pharaon.

Grandiose et moralisateur

Si le récit est si simplifié, ce n’est évidemment pas par paresse scénaristique mais parce que tout ce que nous venons de voir est une vision schématique de l’Ancien Testament, décryptée par une femme bigote qui intervient dans la suite du film. Ce second acte s’intéresse en effet à quatre personnages du monde contemporain et à leurs rapports contradictoires aux dix commandements : la mère étroite d’esprit qui tient à les respecter à la lettre en restant accrochée à sa bible comme à une bouée de sauvetage, le fils qui y croit mais fait preuve de tolérance, son frère qui affirme fièrement son athéisme et l’épouse de ce dernier qui n’a aucune opinion particulière à leur propos. Autour de ce quatuor s’installe une dynamique intéressante, faite de discordes, de mélodrames et de tragédies, avec pour point d’orgue une catastrophe aux répercussions bibliques et une morale qui s’énonce clairement en ces termes : « Si tu brises les dix commandements, ce sont eux qui te briseront. » Très – trop ? – moralisateur, ce film sera le plus gros succès de l’année 1923, poussant Cecil B. De Mille à se lancer dans deux autres films bibliques : Le Roi des rois en 1927 et Le Signe de la croix en 1932.

 

© Gilles Penso


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