Spécialiste des films fantastiques à tout petit budget, Fred Olen Ray tente de mélanger Evil Dead et Qui veut la peau de Roger Rabbit !
EVIL TOONS
1992 – USA
Réalisé par Fred Olen Ray
Avec Monique Gabrielle, Dick Miller, David Carradine, Michelle Bauer, Barbara Dare, Madison Stone, Suzanne Ager, Don Dowe, Arte Johnson
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Au début des années 90, Fred Olen Ray, expert en films de genre ambitieux réalisés avec des budgets ridicules, imagine un projet fou : une sorte de parodie de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? qui mêlerait l’horreur, l’érotisme, la comédie et un monstre en dessin animé. « À l’origine, j’avais proposé le film à Roger Corman pour 250 000 dollars », raconte-t-il. « Il m’a ri au nez et m’a dit qu’il était totalement impossible de faire un tel film avec ce budget, qu’il coûterait au moins un million, si ce n’est plus » (1). Tous les producteurs, distributeurs et investisseurs vers lesquels il se tourne ont la même réaction. Mais Olen Ray en a vu d’autres. Persuadé qu’il tient un concept intéressant, il décide de le financer lui-même avec un budget ridicule de 140 000 dollars. Ses actrices principales seront les peu pudiques Monique Gabrielle, Suzanne Ager, Barbara Dare et Madison Stone (ces deux dernières étant habituées au cinéma X), auxquelles s’adjoignent deux guest-stars masculines aux visages familiers : Dick Miller (l’acteur fétiche de Roger Corman et Joe Dante) et David Carradine (le « petit scarabée » de la série Kung-Fu). Quant aux décors et aux accessoires, ils sont majoritairement empruntés à d’autres productions. Il ne s’agirait pas non plus d’augmenter inutilement les dépenses.
Le texte d’introduction d’Evil Toons nous annonce très sérieusement que le film va nous raconter une histoire vraie. Par une nuit d’orage, David Carradine, revêtu d’un grand manteau et coiffé d’un chapeau de pasteur, court sur le pas d’une grande demeure, avec à la main un livre qu’on croirait échappé d’Evil Dead (sa couverture en peau révélant un visage grimaçant a de sérieux airs de famille avec le Necronomicon de Sam Raimi). L’homme se réfugie dans la cave de la maison, se passe une corde au cou et se pend en espérant ainsi déjouer le mal. Mais le livre maléfique ricane… Notre quatre bimbos entrent alors en scène. Elles ont été embauchées par un certain Burt (Dick Miller) pour nettoyer cette maison de fond en comble avant l’arrivée des nouveaux propriétaires. Entre deux séances de strip-tease, les jeunes femmes passent le balai et découvrent bientôt un vieux coffre renfermant un crâne et un couteau. David Carradine réapparaît alors, revenu miraculeusement d’entre les morts, et leur donne le livre maléfique (pour une raison qui nous échappe un peu, mais à ce stade nous avons compris qu’il faut être indulgent avec le scénario). Or ce grimoire renferme des démons qui ne demandent qu’à se réveiller…
Des seins animés
Au-delà des emprunts évidents à Evil Dead, le film abonde de clins d’œil. L’une des filles lit le roman « The Frankenstein Wheel », les dialogues évoquent tous les clichés des films d’horreur (la grande maison isolée, la nuit d’orage), Olen Ray se réfère à son propre Hollywood Chainsaw Hookers (avec une apparition de Michelle Bauer qui joue hors-champ avec une tronçonneuse) et Dick Miller regarde un large extrait d’Un baquet de sang à la télévision (dont il tient le premier rôle) avant d’affirmer : « comment se fait-il que ce type n’ait jamais gagné d’Oscar ? » Le clou du spectacle est un démon lubrique en dessin animé qui surgit du livre et agresse l’une des héroïnes. À mi-chemin entre le loup de Tex Avery et le diable de Tasmanie des Looney Tunes, il écarquille les yeux et laisse pendouiller sa langue quand il découvre le corps dénudé de sa future victime en émettant des borborygmes prononcés par le réalisateur lui-même. L’animation est sommaire et le temps de présence de la bête à l’écran très limité, mais il est tout de même incrusté dans les prises de vues réelles avec habileté, à une époque où les effets visuels n’étaient pas encore numériques. « Avec un plus gros budget, le film aurait été bien meilleur, le toon plus présent à l’écran, mais je suis néanmoins très fier de l’avoir fait, d’autant plus que personne ne voulait y croire », conclut Fred Olen Ray (2). Distribué un temps en France sous le titre Qui a peur du diable ?, Evil Toons est certes écrit et joué n’importe comment, mais comment ne pas saluer l’audace et l’effronterie d’un cinéaste qui aura passé toute sa carrière à distraire les spectateurs amateurs de séries B décomplexées avec des concepts souvent abracadabrants ?
(1) et (2) Propos extraits du livre « Fred Olen Ray : il était une fois à Hollywood » de Damien Granger (2023).
© Gilles Penso
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