Un film-concept qui part d’un postulat horrifique original et attrayant mais peine à tenir toutes ses promesses…
C’est le producteur et scénariste Daley Pearson qui est à l’origine de l’idée de La Main. Lorsqu’il en parle aux frères Danny et Michael Philippou, deux réalisateurs australiens dont la chaîne Youtube « RackaRacka » remporte un succès croissant, les compères se disent qu’ils tiennent là le sujet idéal de leur premier long-métrage. Avec l’aide de Bill Hinzman, ils tirent de cette idée un scénario s’appuyant sur une légende urbaine inventée de toutes pièces. Leur main embaumée souhaite de toute évidence s’inscrire dans la lignée de la cassette vidéo de Ring ou du livre des morts d’Evil Dead. Pour que leur script se concrétise à l’écran, les jumeaux Philippou se tournent vers Samantha Jennings, la productrice de Mister Babadook, film sur lequel ils firent leurs premières armes en tant que techniciens. C’est elle qui leur donne l’occasion de franchir le pas et de faire leur baptême de metteurs en scène dans la cour des grands. Le prologue de La Main montre le savoir-faire des deux hommes. Il s’agit d’un plan-séquence nocturne accompagnant les déambulations inquiètes d’un jeune homme, Cole, à la recherche de son frère cadet Duckett. Ses pas le mènent jusque dans une maison où une fête entre adolescents bat son plein. Duckett est bien là, fébrile, dans un état second. Il empoigne un couteau, frappe son frère puis se plante la lame dans le visage… le tout en temps réel, en continuité, sans coupure, jusqu’à ce que le titre apparaisse plein écran. Le ton est donné.
Après cette entrée en matière perturbante, La Main nous familiarise avec son personnage principal, Mia (Sophie Wilde), une fille de 17 ans qui souffre encore beaucoup de la mort de sa mère, suite à une overdose de médicaments, et de sa relation distante avec son père. Un soir, pour tromper sa tristesse et sa solitude, elle se rend avec sa meilleure amie Jade (Alexandra Jensen) et avec le jeune frère de celle-ci (Joe Bird) dans une soirée où se pratique le jeu de « la main ». Deux de leurs amis, Hayley (Zoe Terakes) et Joss (Chris Alosio), ont en effet récupéré un objet étrange qui semble provoquer des réactions anormales chez ceux qui s’y frottent – et qui alimente à foison les réseaux sociaux de tous les lycéens qui ont participé à l’une de ces fameuses soirées. L’objet a l’aspect d’une main crispée en céramique couverte d’inscriptions. La légende veut que sous cette couche se trouve la véritable main tranchée d’un médium qui était capable de communiquer avec les morts. Ceux qui osent serrer cette main puis prononcer les phrases « parle-moi » et « je te laisse entrer » sont soudain possédés par des esprits. Bien sûr, tout le monde est persuadé qu’il s’agit d’un canular savamment orchestré. Mia, estimant qu’elle n’a rien à perdre, accepte de jouer le jeu…
Jeux de vilains
Si le film semble s’amorcer comme une sorte de mixage entre Hérédité et Get Out, il s’affranchit rapidement de ce qui semble être cette double influence pour définir sa propre identité. La Main tire d’abord son originalité du cadre dans lequel surgit le surnaturel : dans des appartements ou des chambres d’adolescents, devant des dizaines de teenagers qui se prennent au jeu avec enthousiasme, smartphone à la main pour ne pas rater une miette du phénomène. Nous sommes plus proches de la soirée étudiante bien arrosée que de la séance de spiritisme austère et silencieuse. Les frères Philippou mettent là à contribution leur propre expérience de Youtube et des réseaux sociaux. Or personne ne revient indemne du jeu de la main, surtout lorsqu’on ne respecte pas la règle la plus importante : ne pas la tenir plus de 90 secondes. Car alors les esprits se lient aux humains et ceux qui se sont prêtés au jeu ramènent avec eux quelque chose de l’au-delà, une idée qui n’est pas sans rappeler L’Expérience interdite. La solidité de la mise en scène, la singularité du concept et l’efficacité des effets spéciaux de maquillage (furtifs mais très impressionnants, œuvre de Nick Nicolaou – Wolverine le combat de l’immortel – et Paul Katte – Le Hobbit) ne masquent hélas pas tout à fait les lacunes d’un scénario qui semble ne pas trop quoi savoir-faire avec son concept ni comment gérer ses éléments paranormaux. Ce problème est accru par le comportement de Mia, souvent irresponsable et absurde, ce qui ne facilite pas l’identification avec les spectateurs et joue donc en défaveur du film. La Main reste cependant un bel exercice de style, dont le gigantesque succès en salles laisse imaginer une future séquelle.
© Gilles Penso
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