Que se passerait-il si les auteurs d’un message venu de l’autre bout de la galaxie nous invitaient à construire une machine pour les rejoindre ?
CONTACT
1997 – USA
Réalisé par Robert Zemeckis
Avec Jodie Foster, Matthew McConaughey, David Morse, James Woods, John Hurt, Tom Skerritt, William Fichtner, Angela Bassett, Jake Busey, Rob Lowe, Geoffrey Blake
THEMA EXTRA-TERRESTRES
En 1979, le scientifique et astronome Carl Sagan imagine avec son épouse Ann Druyan le concept d’un film de science-fiction qui ne parviendra pas à trouver de finances, malgré l’intérêt du studio Warner. Sagan transforme alors le récit en roman qu’il publie en 1985 sous le titre « Contact ». L’idée d’en tirer un long-métrage réapparaît à la fin des années 1980. Le premier réalisateur envisagé est Roland Joffé (La Déchirure, Mission) qui tire finalement sa révérence en 1993. Le suivant sur la liste est George Miller. Le père de Mad Max choisit Jodie Foster dans le rôle principal et se lance dans un gros travail de réécriture du scénario avec Michael Goldenberg. « Pour conserver à l’écran toute la richesse du livre de Carl Sagan, il aurait fallu en faire une série télévisée de trente épisodes », nous avouait Ann Druyan. « Nous devions pourtant trouver un moyen de l’adapter sous forme de long-métrage. C’est ce que le réalisateur George Miller a entrepris de faire lorsqu’il a commencé à travailler sur le projet » (1). Warner programme la sortie du film pour noël 96, mais la pré-production n’en finit plus de s’éterniser et les délais deviennent impossibles à respecter. Le studio finit par se séparer de Miller et embauche pour le remplacer Robert Zemeckis, encore frais émoulu du succès planétaire de Forrest Gump.
Dès l’entame de Contact, Zemeckis saisit l’immensité vertigineuse de l’univers en laissant sa caméra errer pendant de longues minutes dans l’espace en continuité depuis la Terre jusqu’aux confins de notre galaxie et au-delà. Plusieurs plans-séquence de ce type ponctueront régulièrement le métrage, liant l’infiniment grand et l’infiniment petit, les mondes extérieurs et intérieurs. Le point culminant de ces exercices virtuoses est un inoubliable flash-back dans lequel l’héroïne encore enfant court au ralenti jusqu’à se transformer en reflet dans le miroir d’une armoire à pharmacie. Cette héroïne, c’est Ellie, passionnée par le ciel et l’espace depuis toujours. Devenue astronome, elle capte un jour un signal qui semble provenir de Véga. En décodant ce message, tout porte à croire qu’il s’agit d’un mode d’emploi pour la construction d’une machine… Si le film est centré sur Ellie, que campe Jodie Foster avec une conviction étonnante, partagée entre la rigueur scientifique et la sensibilité à fleur de peau, un casting de premier ordre lui donne la réplique : Matthew McConaughey en homme d’église moderne, Tom Skerritt en directeur de recherches opportuniste, James Wood en conseiller à la sécurité toujours sur la défensive, William Fichtner en astrophysicien aveugle, Angela Basset en employée de la Maison Blanche, Rob Lowe en politicien conservateur, Jake Busey en gourou religieux mystique ou encore John Hurt en millionnaire passionné. Tous incarnent à leur manière une facette différente et complémentaire de l’humanité face à ce message d’outre-espace. Ironiquement, le personnage incarné par McConaughey avance plusieurs théories de la relativité que nous verrons mises en application dans Interstellar.
Sommes-nous seuls dans l’univers ?
Lorsqu’il s’agit de montrer les répercussions de la découverte d’Ellie aux yeux du monde, le champ s’élargit. Autour des antennes du Nouveau Mexique, une sorte de nouveau Woodstock s’installe. Sauf qu’au lieu des hippies, ce sont des passionnés d’OVNI, des mystiques religieux, des tribus indiennes, des néo-nazis, des forains et des commerçants appâtés par le gain qui se bousculent. L’intégration habile du président Bill Clinton dans l’intrigue rappelle les facéties historiques auxquelles s’adonnait déjà Zemeckis dans Forrest Gump. La force du scénario de Contact réside dans son approche réaliste, crédible et tangible. Cette science-fiction qui n’y ressemble pas n’en est que plus fascinante. « Carl Sagan avait été consultant sur 2001 l’odyssée de l’espace », nous explique Ann Druyan. « C’est lui qui avait fortement conseillé à Stanley Kubrick de ne pas montrer les extra-terrestres à la fin. Chaque fois qu’un film cède à cette tentation, il devient un jour ou l’autre démodé, car les techniques d’effets spéciaux sont en perpétuelle évolution. Lorsqu’on veut décrire un extra-terrestre, on est obligé de faire appel à ses propres perceptions et à ce que l’on connaît déjà. Or, au regard de l’immensité de l’univers, nos perceptions sont très limitées » (2). Contact évite non seulement cet écueil mais en outre nous interroge sur nos propres croyances. En filigrane se dessine l’éternelle opposition entre la foi religieuse et l’esprit scientifique, tandis qu’une phrase célèbre de Sagan – décédé pendant la production du film – est répétée par plusieurs des protagonistes : « Si les humains étaient la seule forme de vie dans l’univers, ça ferait beaucoup d’espace gaspillé. »
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 1997
© Gilles Penso
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