L’immense John Huston dirige la star de Starsky et Hutch dans ce thriller horrifique et psychanalytique où s’enchaînent les morts violentes…
PHOBIA
1980 – CANADA
Réalisé par John Huston
Avec Paul Michael Glaser, John Colicos, Susan Hogan, David Bolt, Patricia Collins, David Eisner, Lisa Langlois, Alexandra Stewart, Robert O’Ree, Neil Vipond
THEMA TUEURS
Phobia est une production canadienne combinant un nombre impressionnant de talents. L’histoire est l’œuvre de Ronald Shusett et Gary Sherman (le duo responsable de Réincarnations). Le scénario est co-signé Peter Bellwood (Highlander), Lew Lehman (Killers of the Wild) et le vétéran des productions Hammer Jimmy Sangster (Frankenstein s’est échappé, Le Cauchemar de Dracula). D’autres plumes ont officieusement participé à l’écriture, notamment Dan O’Bannon (Alien) et Gladys Hill (L’homme qui voulut être roi). Quant au réalisateur embauché pour donner corps à cette histoire, c’est tout simplement un géant : John Huston en personne, l’homme qui dirigea Le Faucon maltais, Le Trésor de la Sierra Madre, Quand la ville dort, Moby Dick, Les Désaxés, Reflets dans un œil d’or et tant d’autres classiques impérissables. Lorsqu’on découvre le résultat, on ne peut que déchanter. Non que Phobia soit honteux, mais le film n’est largement pas à la hauteur des artistes cités ci-dessus, ce qui laisse imaginer que leurs participations respectives ne se sont pas additionnées mais plutôt substituées les unes aux autres, chacun essayant de corriger les faiblesses du script sans vraiment y parvenir. Quant à Huston, il est de toute évidence ici en fin de carrière. Et si sa filmographie nous réservera encore quelques perles (À nous la victoire, L’honneur des Prizzi), il nous est difficile d’appréhender Phobia autrement que comme un job alimentaire.
Bravant l’opposition de ses proches et du conseil d’administration de l’hôpital où il travaille, le docteur Peter Ross (Paul Michael Glaser), un jeune psychiatre aux méthodes très controversées, entreprend une expérience avant-gardiste pour tenter de comprendre et de faire admettre le comportement de cinq criminels qui sont tous victimes d’une peur très singulière. L’une (Alexandra Stewart) est agoraphobe, l’autre (Robert O’Ree) craint les serpents, le troisième (David Bolt) a le vertige, le quatrième (David Eisner) est claustrophobe, la dernière (Lisa Langlois) a peur du contact des hommes. Ross parvient à les extraire du système pénitentiaire pour les soumettre à un traitement d’un genre très spécial. Sa méthode : les assoir dans une salle sombre et leur projeter des images violentes directement liées à leurs phobies. Chutes dans le vide, attaques de serpent, viols collectifs et autres joyeusetés s’exposent ainsi sur les écrans face aux patients hurlants. Alors que tout le staff médical et la police s’interrogent légitimement sur l’efficacité d’un tel traitement, les cobayes du docteur Ross commencent à mourir l’un après l’autre de manière très violente…
L’antre de la phobie
Phobia est avant tout traité comme un thriller psychologique doublé d’un film policier, l’enquête liée aux meurtres des patients du docteur Ross se resserrant autour de l’entourage du médecin. Ce n’est qu’au cours de son troisième acte que le film adopte plus frontalement la mécanique du slasher et presque du giallo (le tueur ganté qui se faufile partout, les morts spectaculaires). Au cœur de cette intrigue à rebondissements, Paul Michael Glaser fait preuve d’un charisme impeccable, sans tout-à-fait nous faire oublier le personnage de David Starsky qui l’a rendu célèbre et dont il reprend certaines mimiques (et même certains codes vestimentaires). La mise en scène de John Huston, elle, reste très fonctionnelle, pour ne pas dire télévisuelle. L’immense cinéaste qui avait su aborder la psychanalyse avec tant de finesse dans Freud passions secrètes semble ici traiter le sujet par-dessus la jambe, peu aidé il est vrai par ce scénario rocambolesque écrit par trop de plumes successives. L’impact du film est également amenuisé par une bande originale de soap opéra très datée et fort peu adaptée à sa tonalité. La critique et le public ne seront pas tendre avec Phobia, qui ne parviendra guère à rembourser son budget de six millions de dollars. Sans doute les « grands noms » présents à son générique laissaient-ils espérer mieux que ce cocktail d’épouvante et d’enquête policière certes distrayant mais tout à fait dispensable.
© Gilles Penso
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