Spécialistes du cinéma parodique, Jason Friedberg et Aaron Seltzer passent à la moulinette la saga Twilight…
VAMPIRES SUCK
2010 – USA
Réalisé par Jason Friedberg et Aaron Seltzer
Avec Jenn Proske, Matt Lanter, Christopher N. Riggi, Ken Jeong, Anneliese van der Pol, Diedrich Bader, Arielle Kebbel, B.J. Britt, Charlie Webber, Crista Flanagan
THEMA VAMPIRES
Après avoir signé le scénario d’Agent zéro zéro et avoir participé à l’écriture de Scary Movie, Jason Friedberg et Aaron Seltzer ont décidé que le genre parodique était un filon rentable et se sont donc spécialisés dans cet exercice sans chercher particulièrement la subtilité (nous sommes à mille années-lumière des pastiches virtuoses des ZAZ, de Jay Roach ou d’Edgar Wright). Après avoir enchaîné à un rythme régulier Sexy Movie, Big Movie, Spartatouille et Disaster Movie, les duettistes changent un peu de mécanique avec Mords-moi sans hésitation. Certes, il s’agit une fois de plus de parodier les grands succès cinématographiques du moment, mais au lieu de chercher à se moquer de dizaines de films à la fois (comme dans leurs opus précédents), Friedberg et Seltzer se concentrent cette fois-ci sur une seule franchise : Twilight (particulièrement les deux premiers films de la saga). Et même si Mords-moi sans hésitation (« traduction » française tout en finesse de Vampires Suck) cligne aussi de l’œil vers plusieurs séries télévisées en vogue (Vampire Diaries, Gossip Girls, Buffy tueuse de vampires, Les Frères Scott), sa cible principale reste l’adaptation des best-seller de Stephenie Meyer.
Les deux réalisateurs soignent tout particulièrement leur casting pour que leurs acteurs, pour la plupart inconnus du grand public, se conforment le mieux possible aux modèles dont ils se moquent, en particulier Jenn Proske en émule « girl next door » de Kirsten Stewart (dont elle s’amuse à imiter le tic des cheveux derrière l’oreille), Matt Lanter (la voix d’Anakin Skywalker dans The Clone Wars) en copie blafarde de Robert Pattinson et Chris Riggi (Gossip Girl) sous la perruque et les poils de Jacob. L’histoire elle-même ne laisse que peu de surprises aux spectateurs, puisqu’elle reprend à la lettre les péripéties de Twilight. La jeune Becca Crane emménage donc dans la petite ville de Sporks pour y vivre avec son père policier après que sa mère a entamé une liaison extra-conjugale (avec Tiger Woods !). Elle se lie d’amitié avec plusieurs élèves de son nouveau lycée et se laisse attirer par le mystérieux, distant et ténébreux Edward Sullen dont le comportement étrange la rend perplexe…
Mimétisme
Resserrer le pastiche sur une seule saga (au lieu du patchwork souvent indigeste des films précédents des duettistes) n’est pas une mauvaise idée en soi. Comme à l’époque du premier Scary Movie – sur lequel Friedberg et Seltzer n’écrivirent pas grand-chose en fin de compte, le scénario étant surtout l’œuvre des frères Wayans – la parodie peut plus facilement moquer les lieux communs d’un genre sans chercher forcément les clins d’œil tous azimuts au risque de s’éparpiller. Quelques détournements de clichés font mouche dès l’entame du film, comme les playlists dépressives qu’écoute l’héroïne en plein mal-être (« Angoisse d’ado mix », « Je déteste la vie mix », « Je te hais mix ») ou le père qui refuse de voir sa fille grandir (il lui donne une tétine et la trimballe dans un porte-bébé !). Tout le film s’amuse ainsi à surligner les ficelles de mise dans un tel récit. C’est plutôt bien vu, mais cette approche « méta » systématique (qui consiste à commenter les poncifs tout en s’y adonnant pleinement) fixe très vite ses limites et démontre sa propre vacuité, d’autant que l’aliénation du scénario à celui de Twilight empêche Mords-moi sans hésitation de développer sa propre intrigue. On apprécie donc la qualité de l’imitation et le sens du mimétisme des cinéastes, mais l’intérêt d’un tel film demeure très limité. D’autant que les gags souffrent souvent d’un problème de timing. Visiblement peu confiants dans l’acuité des spectateurs, les réalisateurs amenuisent souvent leurs effets comiques en s’appesantissant au lieu d’opter pour un rythme plus alerte. Mords-moi sans hésitation est donc l’archétype du produit de grande consommation qui fait passer un bon moment puis s’oublie aussitôt.
© Gilles Penso
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