LUI ET L’AUTRE (1983)

Au début des années 80, deux humoristes espagnols décident de parodier E.T. l’extra-terrestre et concoctent le pire des nanars…

EL E.T. Y EL OTO

 

1983 – ESPAGNE

 

Réalisé par Manuel Esteba

 

Avec Francisco Calatrava, Manuel Calavatra, Curro Garcia, Oscar Garcia, Diana Conca, Manolo Royo, Javier De Campos, Goyito Fernandez

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Attention : le film dont voici la chronique est susceptible d’entrer dans le livre Guiness des Records au titre de la pire des parodies de tous les temps. À côté de Lui et l’autre, les bidasseries les plus crétines, les imitations turques des superproductions hollywoodiennes et l’intégralité de la filmographie des Charlots mériteraient leur place à la cinémathèque aux côtés de Citizen Kane. Les deux « stars » de Lui et l’autre sont Manuel García Lozano (dit Manolo, ou « le laid ») et Francisco García Lozano (alias Paco, ou « le moins laid »), deux humoristes connus en Espagne sous le nom des frères Calavatra. Duo musical spécialisé dans les pastiches de chansons célèbres, hommes de spectacle, animateurs de programmes télévisés et radiophoniques, les Calavatra décident un beau jour de faire du cinéma. L’invention des frères Lumière ne s’en est jamais totalement remise. Après des perles telles que Horror Story en 1972, Los Kalavatra contra el Imperio del Karate en 1974 ou encore Makarras Conexion en 1977, nos joyeux trublions décident hélas de se lancer dans une parodie de E.T. l’extra-terrestre. Leur partenaire de crime sera le réalisateur Manuel Esteba, qui dirigea plusieurs de leurs films précédents mais aussi des mélodrames familiaux (Une larme dans le ciel), des fables de science-fiction (Les Survivants de l’apocalypse), des « rape and revenge » (Cœurs violés) et quelques raretés mêlant allègrement l’horreur et l’érotisme.

« Un film avec trois Oscars » annonce fièrement le générique de Lui et moi, avant d’énumérer les trois Oscars en question : « Oscar Fernandez (aide électricien), Oscar Barcial (secrétaire de l’aide de l’électricien) et Oscar Pedrin (pistonné par le producteur) ». Il n’y a pas de quoi déclencher l’hilarité, certes, mais c’est sans doute le meilleur gag du film. Un vaisseau spatial occupe bientôt tout l’écran (autrement dit les lumières clignotantes et les fumigènes d’une boîte de nuit disco). Une porte s’ouvre, un extra-terrestre dont on aperçoit à peine la silhouette est éjecté dans la nature puis trois figurants avec des lampes de poche explorent les bois nocturnes. Steven Spielberg n’a qu’à bien se tenir, la concurrence s’annonce rude ! Changement de décor : nous voici dans la maisonnée d’une famille monoparentale avec un père laxiste créateur d’œuvres d’art particulières (des fresques murales, des villages en allumettes) et trois enfants dont le cadet, Jojo, est un farceur à tendances psychopathes. Ses blagues préférées ? Effrayer son père avec un cobra, cacher des piranhas dans sa baignoire ou saboter les freins de sa voiture. Lorsque le pauvre paternel se met en gesticuler en hurlant « Jojo ! », le spectateur est censé en conclure qu’il faut rire. Le gag le plus sophistiqué, en ce domaine, reste une tarte à la crème écrasée sur des fesses. Voilà qui donne le niveau général du film.

Rencontres d’un drôle de type

Bien sûr, les choses ne s’arrangent pas avec l’arrivée de l’extra-terrestre au sein de la petite famille. Cet alien impensable est interprété par Francisco Calatrava, engoncé dans un costume en lycra qui plisse de partout (et qui moule dangereusement son entrejambes). Son jeu se limite à des grimaces hideuses et à des borborygmes la plupart du temps inaudibles. Avec ses moyens très limités et ses ambitions artistiques au raz du gazon, Lui et moi essaie de reproduire comme il peut quelques-unes des scènes clés d’E.T. (le cours de sciences, la soirée d’Halloween, l’invasion de la maison par des scientifiques) avec une maladresse qui serait presque touchante si nous n’étions pas tant frappés d’embarras. Ne sachant visiblement pas par quel bout prendre ce pastiche sans queue ni tête, les frères Calavatra et Manuel Esteba tentent tout et n’importe quoi : une séquence chorégraphique où l’extra-terrestre en tutu esquisse des pas de danse classique, une scène romantique très gênante où la sœur de Jojo fait les yeux doux à l’alien en susurrant « Romeo », un passage chanté où tous les acteurs se dandinent en claquant des doigts… Même les spectateurs qui se préparent au pire n’ont pas idée de ce que leur cerveau est prêt à subir face au visionnage de Lui et moi. Le pire du pire est ici allègrement atteint !

 

© Gilles Penso


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