BARBIE (2023)

Margot Robbie et Ryan Gosling entrent dans la peau en plastique de Barbie et Ken dans ce blockbuster acidulé plein de bonnes surprises…

BARBIE

 

2023 – USA / GB

 

Réalisé par Greta Gerwig

 

Avec Margot Robbie, Ryan Gosling, Kate McKinnon, Issa Rae, Alexandra Shipp, Hari Nef, Simu Liu, Kingsley Ben-Adir, Scott Evans, Americana Ferrera

 

THEMA JOUETS

Entre 1955 et 1961, l’Allemagne commercialise la poupée-mannequin Bild-Lilli que repère très vite Ruth Handler, la créatrice de Mattel. Lilli est au départ un personnage de comic-strip à la fois sensuel et humoristique, créée pour le quotidien allemand Bild. En tant que mascotte du journal, la poupée est conçue pour être d’abord vendue à un public adulte, mais son succès grandissant, des enfants se mettent à jouer avec, et Lilli voit sa garde-robe s’enrichir de vêtements en vogue. La première poupée Barbie voit donc le jour en tant que copie quasi conforme de Lilli en 1959, non plus en plastique dur, mais en vinyle, fabriquée au Japon dans un contexte de guerre froide, quelques années avant la crise des missiles de Cuba et le discours du Président Kennedy à Berlin en juin 1963. Mais, contrairement à Lilli (adaptée à l’écran en 1958), il faudra attendre 2023 pour qu’elle bénéficie de son film en live-action. Comme souvent à Hollywood, le projet passe dans de multiples mains. Après plusieurs années d’annonces et rétractations d’équipes pressenties de production, de scénaristes et d’actrices, la Warner finit par offrir une carte blanche à Greta Gerwig. Celle-ci choisit de travailler en tandem sur le scénario avec son compagnon Noah Baumbach, avec qui elle s’était déjà distinguée en 2012 grâce à Frances Ha, fleuron du cinéma indépendant américain.

C’est avec beaucoup d’humour que Greta Gerwig aborde son film, via des clins d’œil qui lui vaudront, c’est un comble, une interdiction aux moins de 13 ans aux Etats-Unis. Preuve s’il en est d’un retour en force d’une morale puritaine exagérée, car avec ces mêmes raisons on serait à même d’interdire aujourd’hui les films de Billy Wilder ou de Lubitsch ! Un juron est effectivement prononcé par Barbie, et c’est bien parce qu’étant mal vu dans la bouche d’une jeune femme qu’elle se l’autorise, comme lorsqu’elle balance une gifle au passant qui lui met la main aux fesses. Le sexe faible doit parfois en arriver là pour ne plus l’être. Car Barbie s’inscrit dans la droite ligne de l’empowerment américain nécessaire à toute femme qui entend lutter pour son droit de compter dans les sphères longtemps réservées exclusivement aux hommes. Au pays de Barbie, tout est parfait pour la plus parfaite des poupées. Et à moins d’avoir une aversion particulière pour Margot Robbie et pour la couleur rose, il n’y a aucune raison de bouder ce film qui est à la fois respectueux du jouet tout en le tournant en dérision.  Comme preuve des égards, s’il en faut, avec lesquels Barbie y est traitée, on y admire le travail sur la reconstitution à l’identique de l’univers appelé « Barbie Land ». Les décors réels reprennent le design des maisons de poupées des années 1960-1970 avec un art du bricolage créatif qui évoque les films de Tim Burton, de Wes Anderson mais aussi de Jacques Tati, dont le Playtime est une des inspirations de la réalisatrice.

Le plastique c’est fantastique !

L’une des surprises du film est Ken qui cherche à s’émanciper et qui jubile en découvrant que dans le monde réel où les hommes ont le pouvoir, il peut gagner en indépendance. Mais au lieu de rejoindre ce monde-là, il préfère faire sa propre révolution au pays des jouets. Tandis que Barbie, elle, va paradoxalement choisir de quitter un monde plus si parfait que ça lorsqu’elle se rend compte qu’elle ne fait pas forcément le bonheur de toutes les petites filles. L’ouverture du film rend hommage à 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en remplaçant l’énigmatique monolithe noir par une Barbie géante, et les singes par des petites filles. Le ton est donné, le film est destiné à nous amuser tout en finesse avec des références et des influences bien choisies. L’enthousiasme à faire ce film est visible et communicatif. Le talent de Margot Robbie et de Greta Gerwig, mêlé à celui de Ryan Gosling, impeccable dans le rôle de Ken, font de ce film joliment artisanal un blockbuster plein de candeur comme un bonbon acidulé. Comme les films de Jacques Demy à la ligne claire et aux couleurs pastel qui exploraient toujours des sujets graves (mères célibataires, tueur psychopathe, départ à la guerre, grèves ouvrières, inceste, etc.), le rose et le monde plastique de Barbie symbolisent à la fois l’enfance et la joie de vivre sans malice qui se perd en même temps que l’insouciance. Il n’y a pas de retour en arrière et Barbie va de l’avant en laissant Ken derrière elle. Ken qui a su tirer son épingle du jeu et qui nous laisse entrevoir son retour dans un prochain film. À suivre…

 

© Quélou Parente


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