Un casting quatre étoiles tient la vedette dans cette adaptation de Lewis Carroll co-écrite par Joseph Mankiewicz et William Cameron Menzies…
ALICE IN WONDERLAND
1933 – USA
Réalisé par Norman Z. McLeod
Avec Charlotte Henry, Richard Arlen, Roscoe Ates, Gary Cooper, Leon Errol, Louise Fazenda, W.C. Fields, Skeets Gallagher, Cary Grant, Raymond Hatton
THEMA CONTES
Par son casting quatre étoiles, son ampleur et sa richesse visuelle, cette transcription sur grand écran des écrits de Lewis Carroll demeure probablement l’une des plus marquantes de toutes. Et pourtant l’histoire du cinéma n’en manque pas ! Le vétéran Norman Z. McLeod assure la mise en scène en s’appuyant sur un scénario co-écrit par Joseph L. Mankiewicz et William Cameron Menzies (respectivement futurs réalisateurs de Cléopâtre et des Envahisseurs de la planète rouge). Leur script adapte non seulement « Alice au Pays des Merveilles », paru en 1865, mais aussi « De l’autre côté du miroir », la suite que l’auteur écrivit six ans plus tard. Le film s’inspire aussi beaucoup de l’adaptation théâtrale conçue pour Broadway par Eva Le Gallienne et Florida Friebus, alors toute récente. Si le rôle principal est tenu par la débutante Charlotte Henry (choisie parmi des milliers de postulantes), tout un parterre de stars lui donne la réplique en incarnant à tour de rôle les créatures fantastiques disséminées sur son chemin. W.C. Fields (David Copperfield) joue Humpty Dumpty, Edna May Oliver (Les Quatre filles du docteur March) la reine rouge, Cary Grant (La Mort aux trousses) la tortue, Gary Cooper (Le Train sifflera trois fois) le valet blanc, Edward Everett Horton (Arsenic et vieilles dentelles) le chapelier fou, Charles Ruggles (L’Impossible Monsieur Bébé) le lièvre de mars et Richard Arlen (L’île du docteur Moreau) le chat du Cheshire.
Lorsque le film commence, la jeune Alice se languit dans une grande maison victorienne, tandis qu’au dehors la pluie s’abat sur les rues. Pour tromper son ennui, elle essaie d’imaginer à quoi le monde ressemble de l’autre côté du grand miroir qui orne le salon. Pour répondre à cette question, elle va devoir s’endormir dans son fauteuil et entrer dans l’univers des songes. Refrain connu, la jeune fille fait d’abord la rencontre du lapin blanc qu’elle suit jusque dans un terrier où elle tombe. Elle boit ensuite une potion et mange un gâteau qui la font grandir et rapetisser, nage dans une mer de larmes et croise la route de toute une faune excentrique. Au beau milieu d’une partie de croquet avec le roi et la reine de cœur, elle se retrouve inexplicablement condamnée à avoir la tête tranchée. C’est le moment idéal pour se réveiller…
Il faut sauver la Paramount !
L’image noir et blanc inhérente aux années 1930 se prête fort bien à un récit qu’on imagine pourtant généralement sous un aspect très coloré, car tout se passe ici comme si les célèbres illustrations d’époque de John Tenniel prenaient vie sous nos yeux. La naïveté des costumes donnant vie à l’incroyable bestiaire du film se combine à une grande quantité d’effets visuels de haute tenue pour offrir au public un spectacle hybride, à mi-chemin entre le luxe d’une superproduction et l’artisanat fait-main, très en accord avec le sens de l’absurde, de l’humour et de la poésie qu’affectionnait Lewis Carroll. Il est heureux que le studio Paramount, à la tête de cette production, ait damé le pion de Walt Disney qui prévoyait à la même époque de mettre en chantier sa propre adaptation en mêlant prises de vues réelles et dessin animé. Le Alice au pays des merveilles de Disney ne sortira finalement que deux décennies plus tard, intégralement animé. Après un premier montage d’une durée de 90 minutes, le film de Norman McLeod est distribué sous son format final de 77 minutes. Paramount, alors en pleines difficultés financières, espère que le casting prestigieux attirera les foules. Hélas, personne ne les reconnaît sous leurs costumes extravagants ! Alice au pays des merveilles ne sauvera donc pas de la banqueroute Paramount, qui ne s’en sortira que grâce aux succès surprise de deux comédies avec Mae West, Lady Lou et Je ne suis pas un ange.
© Gilles Penso
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