Le super-héros le plus rapide de l’univers DC remonte le temps et se retrouve dans un monde parallèle imprévisible…
THE FLASH
2023 – USA
Réalisé par Andres Muschietti
Avec Ezra Miller, Michael Keaton, Sasha Calle, Michael Shannon, Ron Livingston, Maribel Verdú, Kiersey Clemons, Jeremy Irons
THEMA SUPER-HÉROS I VOYAGES DANS LE TEMPS I MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I EXTRA-TERRESTRES I SAGA DC COMICS I BATMAN I SUPERMAN
Comme la grande majorité des longs-métrages du « DC Universe », The Flash est un film qui a du mal à se positionner. Ses tentatives de grand écart entre l’humour au second degré et la gravité lacrymale tentent visiblement de s’inspirer de ce que fait James Gunn, ce qui n’est sans doute pas un hasard dans la mesure où ce dernier est désormais le président de DC. Le générique de fin ressemble d’ailleurs à un clin d’œil assumé au prologue des Gardiens de la galaxie volume 2. Mais n’est pas Gunn qui veut, et Andres Muschietti, porté aux nues grâce à son adaptation de Ça, n’est visiblement pas dans son élément. Rien ne semble venir naturellement dans ce film qui part ouvertement dans tous les sens. Les scènes dépeignant les exploits de Flash en ultra-ralenti sont certes amusantes (notamment la « pluie des bébés »), mais elles arrivent dix ans après celles (plus réussies) de Quicksilver dans X-Men : Days of the Future Past. L’un des aspects les plus embarrassants de The Flash est justement sa tentative désespérée de courir après le succès de Marvel en se réappropriant le thème des multiverses. L’audace n’est donc pas vraiment le maître mot de DC/Warner qui continue à donner le sentiment d’être à la traîne. Un comble avec un héros comme Flash ! Pire : non content de flatter les spectateurs peu exigeants en se surchargeant de « fan service » jusqu’à l’indigestion, le film nous offre comme héros un reflet de ce qu’est censé représenter le public, c’est-à-dire un ado idiot, hystérique, mal dégrossi, inculte et immature. Voilà qui laisse peu de doute sur la vision qu’a le studio de ses propres fans.
L’artificialité du film saute notamment aux yeux dans ces moments un peu vains où la mise en scène prend bien soin de laisser aux spectateurs le temps de crier ou d’applaudir lorsque chaque personnage censé susciter l’euphorie apparaît à l’écran, comme Gal Gadot en Wonder Woman (qui prend la pose en souriant avant de commencer à agir) ou Michael Keaton dans sa combinaison noire (qui regarde la caméra pendant plusieurs secondes avant de prononcer le tant attendu « Je suis Batman »). Et que dire de ces combats qui se soustraient aux lois physiques les plus élémentaires au profit d’un dynamisme irréel et se privent par conséquent de l’implication des spectateurs, insensibles face à ces doubles numériques qui essaient de se faire passer pour des acteurs en chair et en os ? La suspension d’incrédulité en prend un sacré coup. Comment s’intéresser à des personnages qui ne ressemblent qu’à des animatiques de jeu vidéo sans âme ? On ne cherche d’ailleurs jamais à nous faire croire aux motivations des protagonistes. Le revirement soudain de Bruce Wayne, par exemple, n’a aucune crédibilité. Ce vieil homme aigri, aux allures de Jeff Bridges dans The Big Lebowski, redevient brusquement le fringuant héros imberbe et ténébreux, prêt à exhiber tout son bat-arsenal pour le plus grand plaisir de tous alors qu’il se comportait quelques minutes plus tôt comme un clochard ayant transformé son manoir en dépotoir. La demi-mesure n’est manifestement pas à l’ordre du jour.
Flash-Back
Le problème du multiverse lui-même, déjà mis à jour dans le Marvel Cinematic Universe, est l’absence de conséquence des actes de chacun. Quelqu’un a fait un mauvais choix ? Un personnage vient de mourir ? La planète est condamnée ? Peu importe, il suffit de taper à la porte du monde parallèle le plus proche pour régler le problème. Les scénaristes ont trouvé la solution à tous leurs soucis. Mais les spectateurs, eux, se retrouvent dans un monde où plus rien n’est tangible, ni visuellement ni narrativement. Quant au grand final, pensé visiblement comme un bel hommage au déploiement de l’univers DC sur tous les médias depuis les années 1930 jusqu’à nos jours, il prend hélas les allures d’un gloubi-boulga numérique d’une laideur impensable. On ne peut certes pas reprocher au film son manque de générosité ni la richesse de ses rebondissements qui empêchent tout ennui. Mais une écriture rigoureuse, des personnages crédibles et une vraie vision de cinéaste manquent cruellement à l’appel. Voilà pourquoi les Superman de Donner et les Batman de Burton resteront encore longtemps dans les mémoires quand tout le monde aura sans doute oublié depuis longtemps ce Flash sans queue ni tête.
© Gilles Penso
Partagez cet article