LA FEMME GUÊPE (1959)

En quête d’un élixir de jeunesse, la patronne d’une grande société de cosmétique expérimente des enzymes produites par des guêpes…

THE WASP WOMAN

 

1959 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Susan Cabot, Anthony Eisley, Barbara Morris, William Roerick, Michael Mark, Frank Gerstle, Bruno VeSota

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS

Roi du marketing et des concepts alléchants, Roger Corman enflamma l’imagination des fantasticophiles à la fin des années cinquante avec l’affiche de La Femme guêpe, qui exhibait fièrement une gigantesque guêpe au charmant faciès féminin agressant un homme terrorisé au beau milieu d’un amoncellement d’os humains. A l’écran, évidemment, le résultat est plus modeste. Avec beaucoup de charisme et sous un subtil maquillage vieillissant, Susan Cabot y incarne Janice Starlin, dirigeante d’une grande société de cosmétique new-yorkaise. Jadis florissante, la compagnie Starlin voit ses ventes dégringoler depuis quelques temps. Il faut dire que sa charmante patronne en a toujours été l’icône et le mannequin exclusif. Or avec la quarantaine passée et quelques rides sur le front, il lui est désormais difficile de vanter avec le même aplomb les produits garantissant une jeunesse prolongée. Au bord de la faillite, Janice entend parler du professeur Zinthrop, sur le point de breveter un élixir rajeunissant révolutionnaire. Contre l’avis de ses employés, elle engage donc l’étrange bonhomme, sorte de Boris Karloff de seconde zone à l’accent teuton.

Ce savant énigmatique travaille à partir d’enzymes produites par des guêpes, équivalent de la fameuse gelée royale des abeilles. Il a déjà expérimenté la formule sur divers animaux, avec des résultats miraculeux, mais jamais sur un être humain. Janice propose donc d’être la pionnière en la matière. Au bout d’un certain nombre d’injections, la voilà qui rajeunit physiquement d’une bonne vingtaine d’années (le maquilleur déleste donc la jolie comédienne de son trop-plein de fond de teint). Elle prépare alors son imparable slogan (« avec Janice Starlin, retrouvez vos vingt ans »), mais les effets secondaires s’avèrent des plus inquiétants. Car soudain, prise de violents accès de migraine, elle subit une métamorphose fulgurante manifestement inspirée par celle de La Mouche noire de Kurt Neumann. Elle se retrouve ainsi affublée d’une tête de guêpe (autrement dit un maquillage sommaire constitué de deux gros yeux à facettes, de grandes dents pointues et de longues antennes), de griffes acérées à la place des mains, et d’un appétit démesuré pour le sang humain.

La mutante vampire

Notre mutante déchiquette donc le cou de ses victimes et boit directement à la source, comme un vampire. Chacune des apparitions du monstre, accompagnée d’un bruit d’essaim de guêpe du plus curieux effet, est un grand moment de comique involontaire. Car malgré un montage nerveux et une prudente propension à plonger le monstre dans la pénombre, son potentiel horrifique est largement entaché par son aspect hasardeux. Le film souffre aussi d’un rythme languissant malgré sa courte durée. En effet, après un prologue long et un peu inutile au milieu d’un groupe d’apiculteurs, le scénario emprunte une structure très classique et franchement prévisible, d’autant que tout est déjà annoncé dans le titre. La Femme guêpe restera donc principalement dans les mémoires pour son poster plein d’emphase, son casting solide et son approche urbaine et moderne d’un thème que les décennies précédentes auraient sans doute traité sous un jour plus volontiers gothique. « Petit miracle: j’ai tourné le film pour environ 50000 dollars, en moins de deux semaines », raconte Roger Corman. « Ça a été le premier film que j’ai financé et dirigé pour ma propre société de production et de distribution, lhe Filmgroup. Ma carrière s’émancipait, j’investissais plus fréquemment dans mes propres productions et j’embauchais du personnel. J’ai compris qu’il était important de contrôler la distribution de mes films et le succès de La Femme guêpe a fait connaître à ma société des débuts fulgurants. » (1)


(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso


Partagez cet article