Bela Lugosi campe un savant fou assoiffé de vengeance qui fait muter une chauve-souris pour la transformer en monstre sanguinaire…
THE DEVIL BAT
1940 – USA
Réalisé par Jean Yarbrough
Avec Bela Lugosi, Suzanne Kaaren, Dave O’Brien, Guy Usher, Yolande Donlan, Donald Kerr, Edmund Mortimer, Gene O’Donnell
THEMA MAMMIFÈRES
Avec le panache et le manque de mesure qui le caractérise, Bela Lugosi incarne ici le docteur Carruthers, un médecin et chercheur très apprécié dans la petite bourgade de Heathville où il a installé son laboratoire. Il faut dire que la riche famille Heath, qui possède à peu près tout dans les environs, lui doit sa fortune, grâce aux nombreux produits cosmétiques qu’il a conçus pour leur vaste entreprise. Mais dans l’ombre gothique d’une pièce secrète aménagée dans son château, Carruthers fomente une vengeance terrible… et parfaitement improbable. Jaloux de ne pas bénéficier de la fortune qu’il a apportée aux Heath, il décide en effet de les décimer l’un après l’autre grâce à un procédé pour le moins saugrenu. Il élève dans ce but une chauve-souris, la fait quadrupler de volume par un procédé électrico-glandulaire abscons de son invention, puis l’excite avec un parfum tibétain qui éveille en elle des envies de meurtre ! Il ne lui reste plus qu’à asperger le cou de ses futures victimes avec le parfum en question – prétextant l’invention d’un nouvel après-rasage – et à lâcher dans les cieux son chéroptère géant assoiffé de sang ! Une petite romance routinière et quelques touches d’humour évasives viennent égayer cet improbable scénario, par l’entremise de deux journalistes de Chicago venus mener l’enquête.
Le film de Jean Yarbrough rattrape les balourdises de son script par la présence toujours hypnotisante de Lugosi et par la chauve-souris géante qui, malgré les trucages sommaires lui donnant vie, nous donne droit à quelques séquences d’attaques nocturnes plutôt efficaces (il s’agit d’un volatile en caoutchouc pour les plans larges et d’un vrai rongeur pour les gros plans, affublé d’une espèce de cri de singe du plus curieux effet). Le budget mis à la disposition du cinéaste étant visiblement rachitique, les personnages dialoguent beaucoup et se déplacent dans un nombre très limité de décors – le jardin et le salon des Heath, le labo de Carruthers, la chambre d’hôtel des journalistes – ce qui n’empêche pas le film de multiplier à loisir les rebondissements scénaristiques. Quant aux réactions des protagonistes, elles manquent singulièrement de crédibilité, la famille Heath gérant le deuil avec un détachement qui laisse rêveur.
Un succès inespéré
Œuvrette minime et facultative, La Chauve-souris du diable n’est pourtant pas loin d’avoir atteint un statut d’objet de culte grâce à une poignée de scènes et de dialogues très drôles au second degré. Voir Lugosi parler tendrement à sa chauve-souris vampire en lui susurrant avec émotion tous les détails de son plan diabolique ne manque effectivement pas de sel ! Ce fut en tout cas un succès inespéré pour le petit studio PRC (Producers Releasing Corporation), anciennement PDC (Producers Distributing Corporation), qui s’essayait là pour la première fois au film d’horreur. Six ans plus tard, après que les canons de la seconde guerre mondiale eurent cessé de gronder, la compagnie tenta en vain de reproduire le « miracle » avec Le Trésor des Aztèques, réutilisant à peu près le même scénario, et avec Devil Bat’s Daughter, prenant les allures trompeuses d’une séquelle de La Chauve-souris vampire.
© Gilles Penso
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