Pour son premier et unique long-métrage, Gérard Pullicino met en scène des gnomes bizarres dans un conte biblique confus…
BABEL
1999 – FRANCE / CANADA
Réalisé par Gérard Pullicino
Avec Mitchell David Rothpan, Maria de Medeiros, Tcheky Karyo, Michel Jonasz, Browen Booth, Sheen Larkin, Gary Robins
THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE I CONTES
C’est en mai 1995 que germe l’idée de Babel. En quête d’un film pour enfants, le producteur Georges Benayoun (Mina Tannenbaum, L’Appartement) soumet au réalisateur Gérard Pullicino l’idée d’une aventure vécue par un petit garçon et son institutrice. Le cinéaste, vétéran de la télévision (Taratata, La Télé des Inconnus) mais nouveau venu au grand écran, s’empare de l’idée et y mêle l’histoire biblique de la tour de Babel. Le scénario passe successivement entre les mains de Serge Richez et Vinvcent Lambert. Le récit imagine que cette fameuse tour a été commandité par les hommes à un peuple étrange nommé… les Babels. Jusque-là, c’est assez logique. Lorsque Dieu s’enflamme face à ce projet aussi fou que présomptueux, il divise les hommes en leur donnant des langues différentes, égare la pierre posée au sommet de la tour et condamne les Babels à errer sous terre. Plusieurs siècles plus tard, à l’aube de l’an 2000, le maléfique Nemrod (Tchéky Karyo) décide de retrouver la pierre de Babel afin de régner sur le monde. Les Babels, le petit David (Mitchell David Rothpan) et son institutrice Alice (Maria de Medeiros) vont s’y opposer…
« Quand un petit garçon perce le plus ancien secret du monde… » affirme l’accroche de l’affiche de Babel, dont le graphisme naïf et coloré semble vouloir évoquer tout un pan du cinéma fantastique tout public des années 80, notamment les productions Amblin et L’Histoire sans fin. Car la production est ambitieuse, au point que Georges Benayoun négocie une coproduction avec la Canada. Après deux années de préparation et un tournage localisé à Montréal entre novembre 1997 et mars 1998, 10 millions de francs (soit un huitième du budget total du film) sont nécessaires pour la conception des effets visuels, supervisés par le vétéran Christian Guillon. Trucages numériques, images de synthèse, matte paintings, incrustations, effets 2D… La palette des effets déployés dans le film est impressionnante (surtout pour un film français de la fin des années 90), répartie entre quatre compagnies spécifiques : L’E.S.T., Ex Machina, Mikros Image et Eclair. Combats de fluides d’énergie magique, objets en apesanteur, effets d’hyper-vitesse, décors baroques titanesques, morphings… Babel entend bien en mettre plein la vue à ses spectateurs.
Une fausse bonne idée
Les stars de Babel sont les petites créatures qui donnent leur nom au film. Ces gnomes étranges et barbus aux faciès cartoonesque sont incarnés par des acteurs de petite taille affublés de têtes animatroniques sophistiquées. « Chaque tête était équipée d’une quarantaine de servomoteurs », explique leur concepteur Jacques Gastineau. « Les plus petits mesuraient deux centimètres de long. Chaque moteur possédait son propre émetteur. Les personnages étaient donc complètement autonomes. » (1) Gastineau n’en est certes pas à son coup d’essai (il a notamment exercé son savoir-faire sur Terminus, Ma vie est un enfer et Les Visiteurs), mais force est de constater que ses « Babels » n’ont pas une once de crédibilité. Leur visage caoutchouteux, leurs traits grossiers et leurs mouvements de lèvres mécaniques (à peine synchronisés avec les dialogues) jouent sérieusement en leur défaveur. Tout le film est à l’avenant : pétri de bonnes intentions mais pesant, lourd, embarrassant. L’histoire ne mène nulle part – sans oublier d’accumuler tous les clichés d’usage -, les acteurs en roue libre débitent des dialogues absurdes sans la moindre conviction, la direction artistique se perd dans des excès multicolores d’un goût douteux… Bref Babel était de toute évidence une fausse bonne idée. Tout le monde semble d’ailleurs avoir oublié ce film aujourd’hui et Gérard Pullicino est revenu à ses premières amours : la réalisation d’émissions télévisées et de spectacles musicaux.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1999
© Gilles Penso
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