TAXANDRIA (1995)

Raoul Servais mêle l’animation et les prises de vues réelles à l’occasion d’un premier long-métrage graphiquement très audacieux…

TAXANDRIA

 

1995 – BELGIQUE / ALLEMAGNE / FRANCE

 

Réalisé par Raoul Servais

 

Avec Armin Mueller-Stahl, Richard Kattan, Elliott Spiers, Katja Studt, Chris Campion, Daniel Emilfork

 

THEMA CONTES

Au milieu des années 90, Taxandria était attendu avec une certaine impatience mêlée de curiosité. En effet, son réalisateur, Raoul Servais, talentueux artisan belge porté sur le fantastique et l’animation, signait là son premier long métrage, après une dizaine d’œuvres courtes dont un très remarqué Harpya mariant les prises de vues réelles aux éléments animés. De plus, le projet Taxandria, visant à l’époque à porter à son plus haut degré technique et esthétique le mélange entre acteurs réels et décors animés, était né à la fin des années 70, et devait son aboutissement à des années d’écriture, de préparation, de tournage, de post-production, d’effets spéciaux et de finitions. Certains dessins de François Schuiten, concepteur graphique du film, et les premiers extraits, très alléchants, s’étaient mis à circuler très en avance et au compte-goutte, attisant efficacement une légitime attente. Hélas ! Là où l’on attendait une véritable cathédrale, on ne trouve qu’une modeste cabane, de fort honnête facture, distillant un charme indéniable, certes, mais n’atteignant en aucun cas l’ampleur imaginée.

Et, de ce fait, Taxandria passa complètement inaperçu, ce qui est fort regrettable au regard des efforts perfectionnistes de Raoul Servais. Taxandria est le nom d’une ville soumise à un régime dictatorial par le régent Virgilius (Armin Mueller-Stahl), une ville dans laquelle le temps n’existe pas et où les machines sont bannies, une ville où, bien entendu, un grain de sable viendra un jour enrayer les rouages. Cet élément perturbateur involontaire est le jeune Aimé (Elliott Spiers), qui tombe amoureux de la princesse Ailée (Katja Studt) et tente de s’enfuir avec elle hors de la ville… Cette histoire singulière est contée par Karol (qu’interprète également Mueller-Stahl), un gardien de phare entouré d’oiseaux, à Jan (Richard Kattan), un tout jeune prince venu hors saison dans une cité balnéaire pour étudier sous la tutelle d’un vieux percepteur.

Surréalisme

Il serait injuste de ne pas louer la double réussite technique et esthétique du film, cette association de comédiens en chair et en os et de décors dessinés exhalant une beauté surréaliste. On se croirait revenu à l’époque des films tchèques de Karel Zeman, comme L’Invention diabolique dans lequel les héros se promenaient dans un univers de gravures animées directement inspirées des illustrations des romans de Jules Verne. Où donc le bât blesse-t-il dans Taxandria ? Du côté des personnages d’abord, dont la caractérisation évasive et les motivations guère définies ne facilitent pas le processus d’identification. Du côté de l’intrigue ensuite, mêlant peu adroitement la réalité et le rêve sans tisser de lien vraiment justifié entre ces deux univers apparemment parallèles. Du côté du rythme enfin, les longueurs et les piétinements du récit émoussant progressivement l’intérêt du spectateur. C’est trois fois dommage, car l’originalité de la démarche de Servais et la beauté visuelle du résultat auraient pu, servies par une écriture plus rigoureuse, muer cette œuvrette en pur joyau.

 

© Gilles Penso


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