Une malédiction ancestrale, des décapitations, des crânes flottants, des têtes réduites et un Indien à la bouche cousue hantent ce film déroutant…
THE FOUR SKULLS OF JONATHAN DRAKE
1959 – USA
Réalisé par Edward L. Cahn
Avec Edward Franz, Valerie French, Grant Richards, Henry Daniell, Paul Wexler, Paul Cavanagh, Lumsden Hare
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE
Incroyablement prolifique dans les années cinquante et soixante, Edward L. Cahn s’est principalement illustré dans le western et la science-fiction à petit budget. Quelques nanars d’anthologie parsèment sa filmographie, notamment The She Creature avec sa femme-poisson à la morphologie improbable, ou Invasion extraterrestre et ses mémorables extra-terrestres à tête de choux. Mais de temps en temps – hasard heureux ou inspiration soudaine ? – Cahn sort miraculeusement du lot, en particulier avec La Fusée de l’épouvante, souvent considéré comme l’une des sources d’inspiration principales d’Alien, Invisible Invaders, qui semble annoncer La Nuit des morts-vivants avec presque dix ans d’avance, ou encore ces Quatre crânes de Jonathan Drake qui savent distiller une épouvante très originale. Le Jonathan Drake du titre, incarné par Eduard Franz, est un professeur d’université spécialisé dans les sciences occultes. Mandé d’urgence au chevet de son frère Kenneth (Paul Cavanagh), il arrive trop tard, découvrant avec stupeur que celui-ci a succombé à une mort violente et que sa tête, décapitée, a disparu. Les conclusions d’un tel drame sont sans appel : une malédiction ancestrale plane de toute évidence sur la famille Drake et Jonathan est le prochain sur la liste des victimes…
Très prenant, construit autour d’une ambiance qui évoque les classiques d’Universal, Les Quatre crânes de Jonathan Drake met en scène un monstre au physique inoubliable : Zutaï (Paul Wexler), un Indien à la bouche cousue qui hante le film de son inquiétante présence et orne son poster avec beaucoup de panache. Côté horreur, Cahn n’y va pas avec le dos de la cuiller, montrant des décapitations en gros plans mais aussi les détails du processus de fabrication d’une tête réduite (la peau arrachée et recousue puis plongée dans un bain bouillonnant) à l’aide d’effets spéciaux basiques mais extrêmement efficaces. Le surréalisme a aussi droit de cité, notamment lorsque Jonathan Drake voit apparaître des crânes volants qui se dirigent vers lui en grimaçant.
Un conte macabre à redécouvrir
Plus l’intrigue se développe, plus il devient évident que le sinistre Zutaï n’est qu’un subalterne, le grand méchant de l’histoire étant un mort-vivant dont l’anatomie singulière combine la tête d’un homme blanc, celle du professeur Emil Zurich (Henry Daniel), greffée sur le corps d’un Indien. Survivants d’un massacre survenu dans la jungle sud-américaine quelque deux cents ans plus tôt, Zurich et Zutaï ont dans leur ligne de mire la famille Drake, dont le lointain ancêtre fut responsable de la mort de leur peuple. D’où cette série de meurtres rituels qui semble ne devoir finir qu’avec le pauvre Jonathan. Les Quatre crânes de Jonathan Drake aurait pu devenir un classique du genre, mais le statisme de sa mise en scène joue beaucoup en sa défaveur. La scène de la poursuite dans les bois, notamment, dénote d’une absence de dynamisme assez confondante. Tombé dans un semi-oubli, ce conte macabre mérite sans conteste d’être exhumé et redécouvert.
© Gilles Penso
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