INDIANA JONES ET LE CADRAN DE LA DESTINÉE (2023)

Harrison Ford revient une dernière fois jouer du fouet et du pistolet, en quête d’un artefact qui pourrait bien changer le cours de l’histoire…

INDIANA JONES AND THE DIAL OF DESTINY

 

2023 – USA

 

Réalisé par James Mangold

 

Avec Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, Antonio Banderas, John Rhys-Davies, Toby Jones, Boyd Holbrook, Ethann Isidore

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA INDIANA JONES

Le monde avait-il besoin d’un cinquième Indiana Jones ? Les réactions mitigées suscitées par Le Royaume du crâne de cristal auraient pu mettre un terme définitif à la saga initiée par George Lucas et Steven Spielberg. Mais les franchises ne meurent jamais, surtout lorsqu’elles sont gérées par l’empire Disney. L’acquisition de Lucasfilm par la maison de Mickey allait forcément entraîner une réactivation des aventures du docteur Jones, quitte à se passer des services du duo à l’origine de son succès. George Lucas jouissant d’une retraite tranquille et Steven Spielberg ayant finalement (après de longues hésitations) renoncé à diriger un nouvel opus de la saga, les cartes se redistribuent naturellement. Le choix du metteur en scène vient d’Harrison Ford lui-même. Heureux de sa collaboration avec James Mangold qui fut le producteur de L’Appel de la forêt, l’acteur glisse son nom à Kathleen Kennedy et Steven Spielberg. C’est ainsi que Mangold, à qui nous devons des œuvres aussi disparates que Copland, Identity, Logan ou Le Mans ’66, se retrouve à la tête d’Indiana Jones et le cadran de la destinée. Encore faut-il que le cinéaste se sente à l’aise avec le scénario. Le premier jet de David Koepp est donc revu de fond en comble par Mangold et ses partenaires Jez et John-Henry Butterworth pour tenter de trouver le délicat équilibre entre les passages obligatoires (ceux que les fans attendent de pied ferme) et la surprise. Pari tenu ? En partie…

L’emblème de la Paramount cohabitant cette-fois ci à l’écran avec ceux de Disney et de Lucasfilm, Mangold se prive de l’un des gimmicks les plus célèbres de la franchise : le fondu enchaîné de la montagne du logo avec un élément du décor réel. Pour autant, le prologue du film sacrifie aux traditions solidement établies depuis Les Aventuriers de l’arche perdue avec un concentré d’action mouvementée qui ne laisse que peu de répit aux spectateurs. Cette entame ramène même sur le devant de la scène les nazis ainsi qu’un Harrison Ford rajeuni de quarante ans grâce aux coups de baguette magique numériques de la compagnie ILM. Si les rebondissements de cette scène d’ouverture ne manquent pas et si le quota de poursuites, de coups de feu et de destructions est amplement respecté, cette ouverture – sans doute trop longue – ne possède ni le grain de folie ni les fulgurances auxquelles Spielberg avait su nous habituer. Lorsque l’intrigue se transporte à la fin des années soixante, les choses prennent une tournure plus intéressante. Le fringuant archéologue a beaucoup perdu de sa superbe. Henry Jones Jr est désormais un vieux professeur sur le point de prendre sa retraite, une relique du passé qui peine à captiver ses étudiants (bien plus passionnés par la conquête de l’espace que par les ruines de l’antiquité) et devient violemment acariâtre lorsque ses jeunes voisins écoutent les Beatles à tue-tête.

Les maîtres du temps

Cette vision désenchantée du personnage et son déracinement (n’est-il pas anachronique dans le monde d’Apollo 11, de John Lennon et de la guerre du Vietnam ?) offrent de belles opportunités dramatiques que Mangold ne saisit qu’en partie, coincé entre son envie d’innover et ses contraintes liées aux codes attendus de la saga. Le rapport des personnages à leur époque est pourtant la thématique centrale du film, celle qui se décline à tous les niveaux. Dans la peau de l’ancien nazi reconverti en ingénieur chouchouté par le gouvernement américain (visiblement très inspiré par Werner Von Braun), Mads Mikkelsen symbolise le Mal d’un autre âge qui ne rêve que de ressurgir dans le futur en réécrivant l’histoire. La jeune femme incarnée par Phoebe Waller-Bridge, de son côté, est directement liée au passé de notre héros tout en assumant fièrement l’indocilité et l’émancipation chères aux révolutions sociétales post-68. Quant à l’objet de toutes les convoitises, ce n’est plus un simple « artefact-prétexte » mais un dispositif scientifique antique qui permettrait, selon la légende, de contrôler le cours du temps. Toutes les facettes du scénario entrent donc en cohérence les unes avec les autres avec une fluidité indiscutable. Mais il manque clairement à cet Indiana Jones quelques morceaux de bravoure dignes de ce nom et surtout une vraie vision de metteur en scène. Pour solide et appliquée qu’elle soit, la réalisation de Mangold se révèle souvent anonyme, sans prise de risque, sans « regard ». La musique de John Williams elle-même, bien peu valorisée au cours des séquences d’action, ne pourra pleinement s’apprécier que pendant le générique de fin. La longueur importante du métrage (2h35) passe certes comme une lettre à la poste, mais que nous restera-t-il du film après son visionnage ? Peu de choses en réalité, si ce n’est le sentiment d’avoir passé un bon moment. Contentons-nous de ça…

 

© Gilles Penso


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