POINT LIMITE (1964)

Un terrifiant thriller de politique-fiction dans lequel un incident technique s’apprête à provoquer la troisième guerre mondiale…

FAIL SAFE

 

1964 – USA

 

Réalisé par Sidney Lumet

 

Avec Henry Fonda, Walter Matthau, Dan O’Herlihy, Nancy Berg, Dom de Luise, Larry Hagman, Fritz Weaver

 

THEMA POLITIQUE-FICTION

Alors que la crise des missiles de Cuba est encore toute récente, le scénariste Walter Bernstein, blacklisté par les maccarthystes, se lance dans l’adaptation de « Fail Safe », un roman d’Eugene Burdick et Harvey Wheeler qui fit beaucoup parler de lui au moment de sa publication en 1962. Sidney Lumet (qui signait quelques années plus tôt le chef d’œuvre 12 hommes en colère) prend les commandes du film. L’intrigue commence à 5h30 du matin, présentant en parallèle les différents protagonistes du drame. Le Strategic Air Command détecte un engin non identifié dans les airs. Aussitôt, six bombardiers Vindicators, armés de bombes nucléaires de vingt mégatonnes, reçoivent l’ordre de se diriger vers l’Union Soviétique pour bombarder Moscou. Fort heureusement, l’engin non identifié n’est qu’un avion en panne. L’alerte est donc levée. Mais suite à une erreur technique, les bombardiers poursuivent leur mission. Or le protocole interdit aux pilotes d’obéir à la moindre instruction orale. Comment les stopper ? La seule solution semble être d’envoyer à leur trousse d’autres avions et de les abattre. A cours de carburant, les chasseurs manquent leur cible et s’écrasent en mer à mi-parcours. La situation semble alors inextricable…

En adoptant une mise en scène clinique, quasi-documentaire, en choisissant un style brut et direct, en jouant sur les silences et en écartant toute musique, Sidney Lumet renforce le réalisme de son film et le sentiment de malaise qu’il suscite auprès des spectateurs. Tout concourt à faire monter la tension : le noir et blanc savamment contrasté, les focales souvent courtes, les jeux sur les avant-plans (téléphone, mains crispées, visages tendus). Impérial dans le rôle du président des Etats-Unis, Henry Fonda comprend vite la gravité de la situation lorsqu’il affirme : « le contrôle de nos machines nous a échappé. » Un tout jeune Larry Hagman joue à ses côtés un interprète fébrile à la conscience professionnelle inaltérable. Le casting se pare aussi de la présence de Fritz Weaver (un colonel qui perd tous ses moyens lorsqu’on lui demande de révéler aux soviétiques comment détruire les missiles et les avions U.S.), Dom De Luise (un sergent qui prend son relais à contrecœur), Dan O’Herlihy (un général aux opinions modérées) ou encore Walter Matthau (un conseiller scientifique aux idées extrêmes). « Ce sont des fanatiques marxistes, pas des gens normaux », affirme ce dernier à propos des Soviétiques. « Ils ne pensent pas comme nous. Les émotions comme la rage et la pitié leur importent peu. Ce sont des machines à calculer. »

 

« Le contrôle de nos machines nous a échappé… »

Au moment où se noue le drame, les actions parallèles se concentrent sur quatre zones topographiques parallèles : la salle de briefing du Pentagone, le QG de l’armée de l’air à Omaha, le bunker où sont isolés le président et son interprète et le cockpit du dernier bombardier. Si Lumet utilise des images d’avions en vol pour plusieurs plans extérieurs, il doit se débrouiller sans l’aide du gouvernement américain, qui refuse de coopérer avec la production et bloque même les banques d’image. Les animateurs John et Faith Hubley sont donc sollicités pour créer en dessin animé les visualisations schématiques des déplacements d’avions sur le grand écran de contrôle. Cette contrainte devient une force : en se muant quasiment en abstractions, les batailles aériennes n’en sont que plus inconfortables. Les dernières scènes de suspense s’avèrent extrêmement éprouvantes, saisies par une épure visuelle d’une redoutable efficacité, tandis que certains hommes du gouvernement préparent déjà l’après holocauste avec la minutie idiote de bureaucrates zélés. Quelque peu effrayés par le résultat final, les cadres de Columbia imposent un carton final annonçant : « Les producteurs de ce film veulent préciser que, selon les dires officiels du Département de la Défense et de l’Armée de l’Air des Etats-Unis, un système rigoureusement en vigueur de sécurité et de contrôle nous assure que de tels événements ne peuvent pas se produire. » Il n’empêche que Point limite fait froid dans le dos et n’a rien perdu de son impact.

 

© Gilles Penso


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