Un sous-marin expérimental a pour mission de lancer des ogives nucléaires pour dissiper des radiations électromagnétiques qui pourraient être fatales pour notre planète…
VOYAGE TO THE BOTTOM OF THE SEA
1961 – USA
Réalisé par Irwin Allen
Avec Walter Pidgeon, Joan Fontaine, Robert Sterling, Peter Lorre, Barbara Eden, Michael Ansara, Frankie Avalon
THEMA CATASTROPHES I MONSTRES MARINS I POLITIQUE-FICTION
Pour le grand-public, le nom d’Irwin Allen est associé aux fleurons du cinéma catastrophe qu’il réalise dans les années 70, tels que L’Aventure du Poséidon, La Tour infernale et dans une moindre mesure L’inévitable catastrophe. Mais sa filmographie en tant que réalisateur et producteur se définit également par ses contributions régulières au genre fantastique à tendance rétro (même pour l’époque) marquée par l’esprit de Jules Verne, avec le remake du Monde perdu et Cinq semaines en ballon (« tiré du roman de » justement). Ayant pressenti le vent du Nouvel Hollywood, il mise aussi pas mal sur le petit écran dès 1970 (avec notamment les séries TV culte Perdus dans l’espace et Voyage à travers le temps), même si, paradoxalement, ses plus gros succès au box-office cités plus haut interviennent dans cette même décennie. Si la prédilection d’Irwin Allen pour la science-fiction et les films catastrophes peut légitimement être considérée comme matricielle pour l’œuvre à venir de Roland Emmerich (Independence Day, 2012, mais plus encore Le Jour d’après lui doivent beaucoup), son attrait pour l’élément marin pourrait également avoir marqué l’esprit du petit James Cameron. Le générique du Sous-marin de l’apocalypse est accompagné d’une chanson interprétée par le crooner Frankie Avalon (celui-ci jouant également dans le film) et peine à nous mettre dans l’ambiance, laissant augurer d’une gentille comédie de mœurs avec Marylin Monroe plutôt qu’un huis clos se déroulant à bord d’un sous-marin nucléaire. Mais ce dernier, le Seaview, montre le bout de son nez dès la première scène et il a fière allure, bien que les effets spéciaux ne cherchent pas à dissimuler le fait que l’on contemple des maquettes. Mais cela n’est guère un défaut et contribue au contraire au charme du film.
Après une première bobine faisant office de visite guidée du submersible et d’introduction de son équipage composé essentiellement de stars hollywoodiennes au crépuscule de leur carrière (Peter Lorre, Joan Fontaine), l’amiral Nelson (Walter Pidgeon, déjà auto-proclamé Dieu dans Planète interdite) se rend au siège des Nations Unies à New-York en tant que dernier espoir pour la sauvegarde de l’humanité, rien que ça. D’étranges ondes électromagnétiques dans l’atmosphère terrestre menaceraient en effet de s’embraser et d’éradiquer toute vie sur notre belle planète bleue. Ce phénomène tout juste découvert en 1961, dit des « radiations de la ceinture Van Allen », n’est en fait nullement dangereux mais la science n’en avait pas encore percé les mystères. La solution désespérée préconisée dans le film consiste donc à lancer les missiles nucléaires de notre joli sous-marin à un endroit et un moment stratégiques, pour contrer le mal par le mal en quelque sorte. Mais des opinions discordantes se font entendre jusqu’au sein de l’équipage, certains optimistes ayant la conviction que les ondes se dissiperont d’elles-mêmes. Or la situation empire, la température mondiale augmente et des incendies se déclenchent un peu partout. Dans un Seaquest au bord de la mutinerie, les tensions entre l’amiral et son second en chef annoncent avec 34 ans d’avance la prise bec entre Gene Hackman et Denzel Washington dans USS Alabama, aux rebondissements très similaires.
À en perdre Allen
De prime abord, Le Sous-Marin de l’Apocalypse apparait comme une histoire sans ennemi célébrant la solidarité et l’entente entre les nations pour éviter une catastrophe naturelle mondiale, avec son amiral visionnaire tenant plus de Walt Disney que de Patton. Sauf que… la menace a beau être invisible, elle se manifeste comme par hasard par des effets de radiation rougeoyants dans le ciel, symbolisant bien sûr comme toujours la peur du communisme. Notons que si le film dégage aujourd’hui un charme naïf et suranné, il sortit en pleine guerre froide, deux ans seulement avant la crise des missiles de Cuba qui faillit déclencher une troisième guerre mondiale. Bien que cette production 20th Century Fox se lise finalement avant tout comme un acte de propagande pour la superpuissance américaine, on peut aussi discerner une discrète tentative de brouiller la frontière du manichéisme. Car si l’ennemi russe n’est jamais évoqué explicitement, le film pose la question de la responsabilité politique et militaire. L’amiral Nelson succombe à la paranoïa et doute même de sa mission alors que les communications avec la surface sont coupées. Sa santé mentale est même remise en question lorsque ses officiers le soupçonnent d’avoir lui-même écrit des lettres de menace qui lui sont adressées – une aliénation évoquant peut-être le capitaine Némo de Jules Verne, tout comme la pieuvre géante qu’affrontera le Seaview en cours de métrage. Et si les enjeux politiques constituent la base thématique du récit, Irwin Allen n’oublie pas de livrer un divertissement tout public et greffe notamment de façon très artificielle deux personnages féminins, supposés apporter une touche de légèreté à l’ambiance général. Barbara Eden, incarnant une potiche blonde dansant le charleston et rêvant à son futur mariage avec son supérieur (Robert Sterling), écoperait surement d’un carton rouge si le film était soumis au test de Bechdel. Les péripéties se suivent comme autant de petits épisodes, au fil d’un rythme déjà très télévisuel mais compensé par un CinémaScope élégant qui, conformément au cahier des charges du format à l’époque, se montre d’une lisibilité et d’une clarté jamais prise en défaut, même si la caméra s’avère le plus souvent très statique. Les 400 000 dollars investis dans les décors seront amortis avec la production de la série télé Voyage au fond des mers qui durera quatre saisons à partir de 1964. Descendant direct du Seaview, le Seaquest de la série homonyme produite par Spielberg en 1993 témoignera à sa façon de l’impact durable de l’œuvre science-fictionnelle d’Irwin Allen.
© Jérôme Muslewski
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