Matthew Vaughn donne une suite à son pastiche délirant du cinéma d’espionnage des années 60 en redoublant de folie et d’inventivité…
KINGSMAN: THE GOLDEN CIRCLE
2017 – USA / GB
Réalisé par Matthew Vaughn
Avec Taron Egerton, Colin Firth, Juliane Moore, Mark Strong, Halle Berry, Channing Tatum, Jeff Bridges, Pedro Pascal, Elton John
THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I ROBOTS I SAGA KINGSMAN
Pour éviter le syndrome Kick Ass 2, une suite par bien des aspects indigne de son prédécesseur, Matthew Vaughn exprime très tôt l’envie de réaliser lui-même la suite de Kingsman à condition bien sûr que le premier film obtienne des résultats satisfaisants au box-office. Or l’accueil du public et de la critique s’avère particulièrement chaleureux. Dès le printemps 2015, le studio Fox annonce donc la mise en chantier d’un second opus. Mais un autre projet de Vaughn, une nouvelle adaptation à l’écran des aventures de Flash Gordon, ressurgit et pourrait bien l’empêcher de donner une suite à son Kingsman. Après plusieurs mois de suspense, les choses s’officialisent : Flash Gordon ne se fera pas et Vaughn repasse derrière la caméra pour Kingsman : le cercle d’or dont il coécrit le scénario avec sa fidèle partenaire de plume Jane Goldman. L’entame du film nous démontre en quelques secondes que le cinéaste n’a pas perdu la main. Une délirante poursuite en voiture permet en effet à ce second Kingsman de démarrer littéralement sur des chapeaux de roue. Virtuosité de la mise en scène, folles idées narratives, effets visuels spectaculaires, éléments science-fictionnels pleinement assumés, nous voilà immédiatement conditionnés. Sans temps mort ni demi-mesure, ce prologue plonge nos protagonistes au cœur d’une intrigue démentielle dont le seul maître mot semble être l’excès.
Nous apprenons bientôt que tous les bureaux de l’agence Kingsman ont été anéantis. Les seuls rescapés de cette opération de destruction massive, Eggsy (Taron Egerton) et Merlin (Mark Strong), doivent désormais collaborer avec une agence des États-Unis. C’est l’occasion idéale de parodier les clichés liés à l’image que l’Europe se fait des Américains : des cowboys rustres buveurs de whisky et armés de lassos. Le choc culturel avec les Anglais, exagérément élégants et flegmatiques, n’en est que plus grand. La « super-vilaine » du film est Poppy Adams (Julianne Moore), qui vit au milieu de la jungle dans un repaire dont le design acidulé semble s’inspirer de l’imagerie de Grease et Happy Days. Flanquée de chiens robots agressifs et d’une androïde esthéticienne armée jusqu’aux dents, elle hache ses ennemis pour les transformer en hamburgers et retient Elton John en otage ! Après avoir contaminé des tonnes de drogue, Poppy fait chanter le gouvernement en exigeant la légalisation du trafic de stupéfiants pour pouvoir continuer à faire fructifier son business. Pour incarner ce personnage haut en couleur, Julianne Moore se serait laissée inspirer par le Lex Luthor joué par Gene Hackman dans Superman.
Absurdement vôtre
Une fois de plus, la saga James Bond reste la source principale d’inspiration, tout particulièrement la période Roger Moore, comme le confirment quelques clins d’œil à Vivre et laisser mourir, L’Espion qui m’aimait ou encore Moonraker. Les scènes d’action excessives, les cascades aux chorégraphies hallucinantes et les rebondissements impensables s’enchaînent sans la moindre retenue. Ici, tous les débordements sont permis et les invraisemblances scénaristiques ne sont jamais un obstacle au bon déroulement de l’intrigue. Au contraire, elles ont tendance à devenir la norme. Chaque idée, si abracadabrante soit-elle, est ainsi poussée dans ses retranchements et exploitée jusqu’à l’absurde. Comme son prédécesseur, ce second Kingsman nous offre son lot de combats ébouriffants, notamment au cours d’un climax en plan-séquence à couper le souffle. Drôle, décomplexée, audacieuse, la suite se montre donc digne de son modèle, avec une telle générosité que le montage initial dure presque quatre heures. Enthousiasmés, les cadres de la Fox proposent alors à Vaughn de tout garder pour en tirer deux films distincts. Mais le réalisateur préfère réduire son métrage de moitié et resserrer le rythme pour n’obtenir qu’un seul film de deux heures vingt. Le troisième opus, The King’s Man : première mission, ne sera pas une suite mais une prequel abandonnant la science-fiction pour se focaliser sur l’espionnage pur au cœur des tourments de la première guerre mondiale.
© Gilles Penso
Partagez cet article