VESPER CHRONICLES (2022)

Dans un monde futuriste où la Terre est frappée par une catastrophe écologique, une jeune fille tente de survivre avec son père malade…

VESPER

 

2022 – BELGIQUE / FRANCE / LITHUANIE

 

Réalisé par Kristina Buozyté et Bruno Samper

 

Avec Raffiella Chapman, Eddie Marsan, Rosie McEwen, Richard Brake, Melanie Gaydos, Edmund Dehn, Matvej Buravkov, Marijus Demiskis, Marka Eimontas

 

THEMA FUTUR

Le duo de réalisateurs franco-lithuanien Kristina Buozyté et Bruno Samper s’était déjà fait remarquer en 2012 avec le film de science-fiction conceptuel Vanishing Waves s’attachant aux travaux d’un scientifique sur le transfert de neurones d’une jeune femme dans le coma. Dix ans plus tard, tous deux reviennent à la charge avec une autre œuvre atypique dont les moyens modestes n’entravent guère l’ambition visuelle et l’audace scénaristique. Résolument original, l’univers futuriste post-apocalyptique qu’ils ont en tête n’a rien en commun avec ce que le cinéma d’anticipation propose habituellement. Leurs références sont partiellement puisées dans l’animation (en particulier La Planète sauvage et Princesse Mononoke) mais également dans d’autres œuvres picturales pas forcément rattachées au 7ème art. Le chef opérateur Feliksas Abrukauskas, par exemple, cherche l’inspiration du côté des toiles baroques néerlandaises de Vermeer et Rembrandt. Si les designs établis pour le film (décors, costumes, technologie) échappent aux lieux communs, les techniques employées par les deux cinéastes entrent également en rupture avec les habitudes. Au lieu d’opter pour une surcharge d’effets numériques et d’images de synthèse (ce que le budget global du film, estimé à 5 millions d’euros, ne leur aurait du reste pas permis), ils optent pour des décors naturels et des effets spéciaux physiques, l’imagerie digitale n’intervenant qu’en dernier recours.

La catastrophe écologique dont est victime la Terre de Vesper Chronicles s’inspire de recherches scientifiques hélas bien réelles consistant à concevoir des récoltes génétiquement modifiées à la durée de vie éphémère. A force de jouer à l’apprenti-sorcier, l’homme a détruit les ressources naturelles de sa planète. Les nantis se sont donc réfugiés dans de grandes citadelles coupées du reste du monde, concevant pour satisfaire leurs besoins des « Jugs », autrement dit des serviteurs artificiels et loyaux. Mais la grande majorité de la population tente de survivre dans des conditions de vie désastreuses, au milieu de champs arides où la nourriture naturelle est devenue une denrée extrêmement rare. Vesper (Raffiella Chapman) est l’une de ces nombreuses âmes en peine. Âgée de 13 ans, elle doit subvenir aux besoins de son père Darius (Richard Brake), paralysé après avoir servi pour l’armée des citadelles. Pour communiquer avec Vesper, il utilise un drone qui l’accompagne partout et sur lequel elle a dessiné un visage sommaire. Précoce, la jeune fille passe ses journées à réaliser des expériences biologiques dans l’espoir de rendre fertiles diverses formes de vie. Un jour, un aéro-planeur venu d’une des citadelles s’écrase dans la forêt et s’apprête à bouleverser la vie quotidienne de Vesper et Darius…

Austère mais passionnant

A mi-chemin entre le réalisme et le surréalisme, l’environnement dans lequel se déroule Vesper Chronicles frappe à la fois par sa tangibilité et son caractère inédit. C’est un monde rural défraîchi et boueux, stérile et sale, dans lequel s’insère avec un naturel désarmant une technologie futuriste qui semble déjà en bout de course. La flore moribonde semble y avoir muté en mixant des propriétés végétales et animales. Dès qu’elle le peut, cette nature blême reprend ses droits, déployant des tentacules avides de nourriture. Dans ce contexte peu engageant, l’humanité n’est guère reluisante, à l’image de Jonas (Eddie Marsan), le frère de Darius, qui se livre sans scrupule à du trafic de sang d’enfant devenu une monnaie d’échange précieuse. Chacun survit comme il peut, révélant souvent ses bas instincts. Cette forêt anémique est également traversée par « les pèlerins », des nomades masqués et silencieux qui collectent de la ferraille dans un but mystérieux. C’est donc toute une mythologie nouvelle qu’ont mis en place Kristina Buozyté et Bruno Samper. Leur film est passionnant, courageux, audacieux, même s’il souffre de l’austérité inhérente à son sujet, d’une caractérisation faible qui incite les spectateurs à rester distants et d’’enjeux dramatiques pas toujours bien définis. Mais le cœur qui bat dans Vesper Chronicles est celui des œuvres d’art exigeantes et à contre-courant du tout-venant, avec en filigrane l’idée que les jeunes générations héritent des péchés de leurs aînés et restent l’ultime espoir d’une rédemption à l’échelle planétaire.

 

© Gilles Penso


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