Des dizaines de créatures ancestrales surgissent dans un immeuble de San Francisco pour prendre leur revanche sur l’humanité…
TROLL
1986 – USA
Réalisé par John Buechler
Avec Noah Hattaway, Michael Moriarty, Shelley Hack, Sonny Bonno, June Lockhart, Julia Louis-Deryfus
THEMA SORCELLERIE I VÉGÉTAUX I DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND
Concepteur d’effets spéciaux inventifs pleins de caractère – à défauts d’être toujours très subtils -, John Carl Buechler s’est particulièrement spécialisé dans les créatures fantastiques et les maquillages gore excessifs, comme en témoignent ses travaux sur Re-Animator, Ghoulies, TerrorVision, From Beyond, Cellar Dweller, Dolls ou encore Vendredi 13 chapitre 7 (avec son Jason zombie inoubliable !). Grand habitué des productions Charles Band, il fait son baptême de réalisateur à l’occasion du film à sketches Le Maître du jeu, qui offre au producteur l’occasion de tester les capacités de metteurs en scène potentiels pour sa compagnie Empire. Convaincu par son galop d’essai, Band lui confie la réalisation de son premier long-métrage : Troll. Buechler aurait bien signé le scénario lui-même, mais ses responsabilités derrière la caméra et la conception des effets spéciaux du film ne lui laissent pas beaucoup de temps. L’écriture est donc assurée par Ed Naha, futur scénariste de Chérie j’ai rétréci les gosses. Quand le film commence, un couple (Michael Moriarty et Shelley Hack) s’installe avec ses deux enfants (Noah Hathaway et Jenny Beck) dans un appartement de San Francisco. Notons que le père s’appelle Harry Potter et son fils Harry Potter Jr ! Dans la laverie de l’immeuble, la toute jeune Wendy Anne tombe nez à nez avec le troll Turok. Dès lors, la fillette adopte un comportement très étrange, et pour cause : la créature a pris son apparence !
N’y allant pas par quatre chemin, Turok a décidé de transformer notre monde en un univers fantasmagorique, comme jadis, pour que les trolls prennent leur revanche sur l’humanité qui les a vaincus autrefois. Avec sa bague, il pique donc un voisin qui se transforme en une espèce de cosse de haricot géante d’où sortent des plantes en accéléré, lesquelles se déploient aussitôt dans tout l’appartement. Trois autres trolls émergent de cette « jungle » instantanée. L’un est monté sur des pattes d’araignée, l’autre ressemble à un reptile, le troisième a des faux airs de l’étrange créature du lac noir. D’autres voisins subissent bientôt le même sort que le précédent et provoquent donc le surgissement de nouvelles créatures. Plus ou moins trapus, plus ou moins velus mais invariablement hideux, ils possèdent chacun une morphologie différente : un groin de cochon, des cornes de bélier… Buechler en profite même pour recycler l’une des créatures du Maître du jeu. Tout ce bestiaire (conçu à l’aide d’acteurs costumés et de masques mécaniques) constitue bien sûr l’attraction principale du film, les métamorphoses gluantes s’effectuant face à la caméra grâce à des effets de « bladders » (poches gonflables) très efficaces. Au milieu de cette prolifération monstrueuse – qui tente à sa manière de surfer sur le succès récent de Gremlins -, quelques séquences surréalistes affleurent, comme cette chanson qu’entonnent en chœur les trolls sur une musique féerique de Richard Band.
Troll de bêtes
Féru d’atmosphères insolites, John Buechler dresse le portrait de voisins tous plus bizarres les uns que les autres, notamment une vieille sorcière (June Lockhart) qui possède chez elle un champignon vivant avec un visage (façon Téléchat) ainsi qu’un tableau dont le portrait ressemble trait pour trait au visage du réalisateur ! Car Buechler truffe son film de clins d’œil, y compris à L’Histoire sans fin (dont le jeune indien Atreju était justement incarné par Noah Hathaway, qui joue ici Harry Jr). La chambre du garçon est décorée avec des posters du Maître du jeu et de Parasite. Quant à sa télévision, elle diffuse la séquence de Siegfried affrontant le dragon dans Les Nibelungen. Parmi les habitants de l’immeuble, on note la présence de Julia Louis Dreyfus (future héroïne de la série Seinfeld), dans son tout premier rôle à l’écran, qui se transforme ici en étrange nymphe fleurie. Au cours du climax, nos héros vont devoir affronter le troll ultime, autrement dit un monstre géant affublé d’ailes de chauves-souris, tandis que de gigantesques plantes grimpantes surgissent en stop-motion du toit du bâtiment et se déploient comme des tentacules devant les passants médusés. Généreux, drôle, décomplexé, Troll s’apprécie comme une récréation modeste mais joyeuse. Buechler poursuivra dès lors une double carrière de créateur d’effets spéciaux et de réalisateur.
© Gilles Penso
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