D’improbables aliens à tête de chou débarquent dans une petite ville des Etats-Unis et attaquent la jeunesse locale avec leurs doigts-seringues…
INVASION OF THE SAUCER-MEN
1957 – USA
Réalisé par Edward L Cahn
Avec Steve Terrell, Gloria Castillo, Frank Gorshin, Raymond Hatton, Lyn Osborn, Sam Buffington, Don Shelton
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Grand spécialiste des séries B à tout petit budget, Edward L. Cahn est un stakhanoviste qui enchaîne les tournages à un rythme effréné. La seule année 1957 compte pas moins de cinq longs-métrages portant sa signature, le plus fameux d’entre étant sans conteste cet impensable Invasion of the Saucer-Men (rebaptisé chez nous Invasion extraterrestre lors de sa sortie en DVD). Au départ imaginée comme un film de science-fiction très sérieux, cette œuvrette sympathique se mue progressivement en comédie au fil de son élaboration. Mais son intention initiale n’est pas totalement évacuée. La tonalité oscille ainsi bizarrement entre le premier et le second degré. L’ouverture joue ouvertement la carte humoristique. Après l’affichage plein écran du texte « A true story of a flying saucer » (« L’histoire vraie d’une soucoupe volante »), le générique défile aux côtés d’une série de dessins caricaturaux. La voix-off narrative accentue le caractère léger de l’approche. Le prologue nous familiarise avec deux bons à rien qui traînent un soir dans le bar de la petite ville rurale de Hicksville où ils viennent de s’établir. L’un d’eux prend sa voiture, traverse une route de campagne et – comme plus tard le David Vincent des Envahisseurs – voit apparaître une soucoupe volante dans le ciel. Il s’agit d’une maquette sommaire bricolée par l’artisan des effets spéciaux Paul Blaisdell et soutenue par des fils bien visibles. Cet engin sera réutilisé quelques années plus tard pour l’un des épisodes de la série Au-delà du réel.
Cette apparition annonce une invasion extraterrestre, comme l’exprime très explicitement le titre français. Les moyens du film étant minuscules, les envahisseurs d’outre-espace se limitent à une petite demi-douzaine et sont interprétés par des acteurs de petite taille. Leur look invraisemblable a beaucoup participé au statut d’œuvre culte du film. Ils sont en effet affublés d’une tête démesurée au crâne en forme de choux, d’oreilles pointues, de grands yeux de félins exorbités et d’un rictus carnassier. Quant à leurs griffes, on jurerait des gants faits de morceaux de laitue, dont les doigts sont des seringues injectant de l’alcool à leurs victimes ! Sans compter cette main autonome qui rampe toute seule sur le sol, surmontée d’un œil globuleux ! C’est à nouveau Paul Blaisdell qui est responsable de ces créatures risibles. Conscient sans doute du manque de crédibilité de ses extraterrestres, Edward L. Cahn les cache chaque fois que possible derrière des buissons et des fougères, ce qui n’empêche pas le matériel publicitaire de l’époque de les exhiber sous toutes leurs coutures. Parmi les séquences les plus abracadabrantes d’Invasion of the Saucer Men, il faut sans doute citer le combat d’un des aliens contre un taureau. Un grand moment de n’importe quoi !
Alien contre taureau !
Les héros du film sont des jeunes amateurs de rock’n roll qui passent leur temps à se bécoter en couple dans leurs belles voitures mais seront finalement les seuls remparts contre l’invasion (d’autant qu’aucun des « adultes responsables » ne prête le moindre crédit à leur témoignage). Signe des temps, Invasion extraterrestre est un de ces films où les filles poussent des hurlements inutiles et pleurnichent tandis que les garçons prennent courageusement les choses en main. Le rapport des femmes à l’automobile, tel qu’il est décrit dans le film, est à ce titre édifiant. Elles sont incapables de faire la différence entre une batterie et un radiateur (quelle honte !) mais font installer des rétroviseurs tous neufs parce qu’« une fille a toujours besoin d’un miroir supplémentaire ». Ah, les jolis clichés sexistes des années 50 ! Bien sûr, il faut appréhender tout ça avec le recul nécessaire et replacer dans son contexte cette série B somme toute très inoffensive. Le budget étant extrêmement limité, les personnages et leurs véhicules n’en finissent pas de traverser les mêmes bouts de campagne, tout étant tourné en studio au même endroit : l’orée du bois, la propriété d’un vieux fermier grincheux, un décor sommaire de commissariat ou encore un coin de rue. Distribué par American International Pictures en double-programme avec I Was a Teenage Werewolf, Invasion of the Saucer Men se taille une belle place au box-office (compte tenu de son investissement de départ très modeste) et demeure aujourd’hui l’un des films favoris des amateurs de SF pulp des fifties.
© Gilles Penso
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