Marina Foïs part à la chasse au squale tueur dans cette imitation maladroite et sans saveur des Dents de la mer…
L’ANNÉE DU REQUIN
2022 – FRANCE
Réalisé par Zoran et Ludovic Boukherma
Avec Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi, Christine Gautier, Ludovic Torrent, Philippe Prévost, Jean Boronat, Jean-Jacques Bernède, Patrick Séraphine
THEMA MONSTRES MARINS
Les frères Zoran et Ludovic Boukherma avaient su approcher le thème de la lycanthropie sous un jour inattendu dans leur comédie douce-amère Teddy, revisitant le fameux mythe velu dans un contexte francophone sudiste du plus curieux effet. Désireux d’appliquer le même traitement à une autre créature classique du cinéma de genre, les duettistes s’attaquent au requin mangeur d’hommes. Désormais, les Boukherma peuvent se payer quelques têtes d’affiches généralement associées à la comédie, en l’occurrence les très populaires Marina Foïs, Kad Merad et Jean-Pascal Zadi. À ces visages familiers s’ajoutent des acteurs beaucoup moins connus ainsi que quelques échappés de Teddy comme Christine Gautier et Ludovic Torrent. Tout ce beau monde s’anime dans ce qui s’annonce très tôt comme une sorte de remake fidèle des Dents de la mer. Des plans, des situations, des dialogues et des séquences entières sont directement empruntés au blockbuster de Steven Spielberg. La pertinence d’un pastiche si tardif ne saute pas immédiatement aux yeux, mais le problème que pose L’Année du requin est plus complexe. Car le film oscille sans cesse entre le second et le premier degré sans parvenir à se décider. En résulte un objet filmique étrange et insaisissable.
Nous sommes à la pointe du Cap Ferret, dans le sud-ouest de la France. Maja Bordenave (Marina Foïs), gendarme de la marine bientôt à la retraite, est mariée au sympathique Thierry (Kad Merad). Rien de très palpitant ne se passe jamais sur ces plages ensoleillées de la Gironde jusqu’au jour où Maja est persuadée qu’un énorme requin mangeur d’hommes rode dans les eaux avoisinantes. Personne ne semble accorder le moindre crédit à Maja, ni son supérieur, ni les notables de la ville, ni ses collègues Blaise (Jean-Pascal Zadi) et Eugénie (Christine Gautier). Pourtant les dégâts se multiplient et les victimes déchiquetées commencent à s’accumuler dans les parages. Prenant son courage à deux mains, Maja fait de ce monstre marin son Moby Dick et décide de l’affronter elle-même, envers et contre tous…
Les dents amères
Désireux de mettre à contribution des effets spéciaux « à l’ancienne », les réalisateurs sollicitent le spécialiste de la mécanique Pascal Molina qui concocte pour les besoins du film un requin animatronique furtif mais efficace. C’est triste à dire, mais ce grand poisson artificiel n’est pas loin d’être le meilleur acteur de L’Année du requin ! Marina Foïs récite en effet ses répliques sans la moindre conviction, comme si elle se débarrassait d’une corvée acceptée de mauvaise grâce, et s’adonne même à des séquences franchement embarrassantes (comme celle où elle mord à pleine dents dans une bouée pour essayer maladroitement de la faire éclater). Kad Merad et Jean-Pascal Zadi, quant à eux, assurent le service minimum, peu aidés il faut l’avouer par des dialogues banals et sans saveur. Il faut dire que la tonalité du film nous échappe totalement, hésitant entre la parodie référentielle, la chronique régionale réaliste et l’épouvante classique sans jamais trancher. A mi-parcours, les réalisateurs décident ainsi de devenir sérieux et d’oublier toute légèreté au profit d’une étrange gravité. Autant dire que ce changement de cap ne fonctionne pas du tout et que cette amertume bizarre tombe comme un cheveu dans la soupe. « Je ne sais pas bien ce que tout ça nous enseigne, peut-être rien », dit pour conclure la voix narrative traînante de Ludovic Torrent. Nous sommes bien d’accord. Ça ne nous mène nulle part, et c’est bien dommage.
© Gilles Penso
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