Traumatisé par un souvenir d’enfance, l’employé d’une usine de jouets devient obsédé par le Père Noël et bascule dans la psychopathie…
CHRISTMAS EVIL
1980 – USA
Réalisé par Lewis Jackson
Avec Brandon Maggart, Jeffrey DeMunn, Dianne Hull, Gus Salud, Wally Moran, Joe Jamrog, Peter Neuman, Mark Chamberlin, Scott McKay, Peter Friedman
THEMA TUEURS
Lewis Jackson est un scénariste et réalisateur dont la carrière est restée très confidentielle. Par le passé, il avait réalisé deux longs-métrages obscurs, la comédie The Deviates en 1970 et la série B d’horreur The Transformation : A Sandwich of Nightmares en 1974. Christmas Evil est son troisième et dernier film, sans conteste le plus connu, même s’il n’a rien pour marquer durablement les mémoires. Sa genèse laisse rêveur. Lewis Jackson aurait en effet eu l’idée de départ de ce conte sanglant après avoir fumé de la marijuana une nuit dans les années 70 et avoir eu la vision effrayante du Père Noël brandissant un couteau dans sa direction ! Le projet s’appelle d’abord You Better Watch Out (« Tu as intérêt à faire attention ») puis Terror in Toyland (« Terreur au pays des jouets »), mais il ne se concrétise qu’après le succès inespéré de La Nuit des masques de John Carpenter. Le film trouve finalement son financement et porte son titre définitif de Christmas Evil. Certaines affichent inscrivent alors officiellement le troisième long-métrage de Lewis Jackson dans la vogue croissante du slasher en annonçant en lettres rouge sang : « d’abord vint Halloween, puis Vendredi 13, voici maintenant Christmas Evil ! ». Or lorsqu’on se penche sur son cas, on découvre que ce « Noël maléfique » ne doit pas grand-chose aux deux films cités précédemment, si ce n’est un flash-back d’ouverture traumatique, et construit sa propre atmosphère insolite loin des canons du genre.
Tout commence dans la banlieue de New Jersey le soir du 24 décembre 1947. Réveillé au milieu de la nuit, le tout jeune Harry Stadling est extrêmement choqué en voyant sa mère se faire tripoter par le Père Noël (en réalité son père costumé). Trente-trois ans plus tard, nous retrouvons Harry adulte, sous les traits de Brandon Maggart (aperçu la même année dans le Pulsions de Brian de Palma). Visiblement obsédé par les fêtes de fin d’année, il dort dans un pyjama rouge et blanc, vit dans un appartement saturé de décorations de Noël et espionne tous les enfants de son voisinage pour savoir lesquels sont sages et lesquels se comportent mal, informations qu’il consigne ensuite consciencieusement dans ses cahiers. La journée, il travaille dans une usine de jouets, chagriné d’être le seul à se soucier de la future joie des enfants lorsqu’ils recevront ces présents au pied de leur sapin. On sent bien que quelque chose cloche chez ce pauvre Harry, mais le trouble reste longtemps latent, entre deux eaux. Comme on pouvait s’y attendre, les choses basculent le soir du 24 décembre. Notre homme décide alors de s’habiller en Père Noël, de prendre le volant d’un van spécialement redécoré et de partir accomplir sa mission sacrée : distribuer des cadeaux aux enfants sages et préparer la punition des autres…
Bad Santa
Malgré son démarrage proche de celui d’Halloween, dans lequel se met en place le traumatisme d’enfance qui mènera à la psychopathie, Christmas Evil n’évolue pas selon les mécanismes hérités de John Carpenter. Le film prend son temps pour bâtir son ambiance glauque et décrire le quotidien de son héros pathétique. Pour autant, nous ne combattons pas non plus dans la même catégorie que le Maniac de William Lustig. L’horreur n’éclabousse d’ailleurs que très tardivement le métrage. Il faut d’abord subir de longues séquences erratiques qui semblent de mener nulle part et s’armer de beaucoup de patience. Et si les meurtres finissent par survenir à l’aide d’armes blanches (une hache), de jouets modifiés (un petit soldat à la baïonnette acérée) ou d’objets divers (une étoile de sapin tranchante), ils restent relativement périphériques à l’intrigue. Jackson a d’ailleurs toujours affirmé que son film n’appartenait pas à la catégorie des slashers, revendiquant plutôt l’influence de Frankenstein. Pour être honnête, cette référence ne saute pas aux yeux non plus, si l’on excepte le climax au cours duquel le paria prend la fuite devant une populace hystérique armée de torches. Quelques traits d’humour inattendus affleurent parfois, comme la confrontation d’une ribambelle d’hommes costumés en Père Noël dans un commissariat pour tenter d’identifier l’assassin, ou cette image finale poétique et savoureusement ironique. Christmas Evil aurait sans doute sombré dans l’oubli, comme les autres œuvres de son instigateur, si le cinéaste culte John Waters (Pink Flamingos, Cry-Baby) n’en avait pas fait publiquement l’un de ses films de chevet.
© Gilles Penso
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