BLACK ADAM (2022)

The Rock incarne un justicier massif à la lisière du bien et du mal dans cette superproduction DC qui lorgne beaucoup du côté de Marvel…

BLACK ADAM

 

2022 – USA

 

Réalisé par Jaume Collet-Serra

 

Avec Dwayne Johnson, Aldis Hodge, Pierce Brosnan, Noah Centineo, Sarah Shahi, Quintessa Swindell, Marwan Kenzari, Bodhi Sabongui

 

THEMA SUPER-HÉROS I DIABLE ET DÉMONS I NAINS ET GÉANTS I SAGA DC COMICS I SUPERMAN

Tôt ou tard, il était inévitable que Dwayne Johnson, le « Rock » du cinéma d’action des années 2000, le roi du blockbuster musclé et décomplexé, se retrouve en tête d’affiche d’un film de super-héros. Le voici donc engoncé dans la combinaison électrique de Black Adam, versant sombre du jovial Shazam qui eut droit à son propre long-métrage en 2019. Peu connu du grand public, ce personnage complexe créé en 1945 par Otto Binder et C. C. Beck se joue des notions de bien et de mal pour se déchaîner dans une zone floue pleine d’équivoque. C’est cette ambiguïté qu’entend bien exploiter le réalisateur Jaume Collet-Serra, qui vient justement de diriger Dwayne Johnson dans Jungle Cruise. Le flash-back qui sert de long prégénérique (et qui dure six bonnes minutes) paie son tribut à l’imagerie et aux effets de style de 300, preuve que l’influence de Zack Snyder sur le « DC Cinematic Universe » reste majeure. Tout commence donc en l’an 2600 avant JC dans la cité de Kahndaq. Le tyrannique souverain Ahk-Ton y convoite la Couronne de Sabbac pour atteindre un immense pouvoir. Un jeune esclave en révolte, sorte de Spartacus local, tente alors d’organiser une rébellion et se voit doté des pouvoirs miraculeux de Shazam par le Conseil des Sorciers. Son objectif : renverser Ahk-Ton et rendre à Kahndaq sa liberté.

Lorsque l’action se transporte de nos jours, force est de constater que la situation ne s’est guère améliorée. La population de Kahndaq est opprimée par les forces armées de l’Intergang, dans une ambiance dictatoriale guère engageante. Là, l’archéologue et résistante Adrianna Tomaz (Sarah Shahi) se met sur la trace de la couronne de Sabbac et réveille par inadvertance le redoutable Teth-Adam (Johnson), un surhomme aux pouvoirs incontrôlables qui massacre les troupes de l’Intergang. Le scénario s’efforce alors de se raccorder maladroitement aux autres maillons de la chaîne distendue de la franchise DC en convoquant le personnage toujours aussi détestable d’Amanda Waller (Viola Davis), à l’initiative des équipes bancales de Suicide Squad et de sa suite. La voilà qui met sur pied une autre escouade visant à stopper la menace que représente Teth-Adam. Son nom : la Justice Society. Cette troupe de super-justiciers, dont les aventures sur papier datent de 1940, prend ici les allures d’un mixage contre-nature entre les X-Men et les Avengers. Leur mission : « protéger la stabilité globale ». Leurs membres : Hawkman (Aldis Hodge), un homme volant qui semble échappé d’Asgard, Cyclone (Quintessa Swindell), une émule de Tornade qui contrôle le vent, Atom Smasher (Noah Centineo), qui porte un masque à la Deadpool et grandit comme Ant-Man, et Doctor Fate (Pierce Brosnan), dont les pouvoirs un peu confus évoquent ceux de Dr Strange et de Mysterio. On le voit, l’ombre des productions Marvel plane allègrement sur Black Adam, qui leur emprunte au passage une grande partie de leur esthétique et de leur approche visuelle.

Les bons et les méchants

Maladroitement, le film tente la carte de l’humour référentiel à travers une série de clins d’œil (la chambre d’ado emplie de posters de Batman, Superman, Flash et Aquaman, les allusions à Sergio Leone) et de répliques post-modernes (« Tu pourrais être célèbre : magazines, lunchboxes, jeux vidéo, et le complexe industriel des super-héros représente beaucoup d’argent », dit le jeune Amon à Teth-Adam). L’élément le plus intéressant du film est indiscutablement sa gestion inattendue du manichéisme. Le « héros » est une brute épaisse qui tue à tour de bras tous ceux qui s’opposent à lui sans autre forme de procès. Les membres de la Justice Society, de leur côté, prônent une justice équitable. « Il y a des héros et des vilains ici », dit Hawkman pour résumer la situation. Évidemment ce n’est pas aussi simple. « Vous aimez diviser le monde entre le bien et le mal », lui répondra Adrianna, « mais c’est facile à faire quand c’est vous qui tracez les lignes. » Mais il aurait fallu un minimum de finesse pour explorer correctement les passionnantes ramifications d’une telle situation. Or Collet-Serra ne fait pas dans la dentelle, Dwayne Johnson se contente de froncer les sourcils en regardant ses adversaires d’un air méchant, les affrontements se résument à des jets d’énergie, de la haute voltige et des destructions massives, aux accents d’une musique éléphantesque de Lorne Balfe, et l’on convoque même les démons géants et les zombies en fin de métrage pour tenter de relancer l’intérêt. L’entreprise semble bien vaine, jusque dans cette inévitable séquence post-générique qui n’a d’autre vocation que caresser les fans dans le sens du poil en imitant – une fois de plus – les recettes éprouvées de Marvel.

 

© Gilles Penso


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