L’une des imitations les plus ratées, les plus invraisemblables et les plus involontairement drôles de King Kong…
THE MIGHTY GORGA
1969 – USA
Réalisé par David L. Hewitt
Avec Anthony Eisley, Scott Brady, Megan Timothy, Jack Taylor, Gary Craver, David L. Hewitt
THEMA SINGES I DINOSAURES
Des pseudos-King Kong grotesques et mal-fichus, le cinéma fantastique en compte beaucoup, surtout depuis que les singes géants sont revenus sur le devant de la scène grâce au remake de John Guillermin en 1976 (comment oublier les hilarants King Kong revient, Le Colosse de Hong Kong ou même King Kong 2 ?). Mais dès les années soixante, les émules impensables du roi Kong s’en donnent à cœur joie. Après les variantes japonaises orchestrées par la Toho (King Kong contre Godzilla et King Kong s’est échappé), place donc à un morceau de choix, l’inénarrable Mighty Gorga. Produit de manière indépendante avec un budget ridicule, ce long-métrage désopilant – au second degré – est l’œuvre de David L. Hewitt. Avant de devenir créateur d’effets spéciaux pour des films tels que Shocker, Willow ou Chérie j’ai rétréci les gosses, Hewitt était un faiseur de séries B décomplexées aux titres aussi éloquents que The Wizard of Mars, Journey to the Center of Time ou Dr. Terror’s Gallery of Horrors. The Mighty Gorga est son cinquième long-métrage, et probablement l’un des plus calamiteux. Hewitt y cumule les casquettes de réalisateur, scénariste, producteur et même acteur (il joue lui-même le singe géant, sans en être crédité). Sans complexe, notre homme installe sa petite équipe à Bronson Canyon et Simi Valley, en Californie, et se lance dans l’aventure.
Le ton est donné dès la scène d’introduction, lorsqu’une femme est offerte en sacrifice à un singe géant, autrement dit David Hewitt engoncé dans un costume velu affreux à la tête rigide parfaitement immobile, aux yeux sans cesse écarquillés et à la bouche invariablement grande ouverte. Voilà donc le « puissant Gorga » du titre ! Puis nous changeons de décor. Mark Remington, le propriétaire d’un cirque, craint la faillite. S’il ne trouve pas l’idée d’une nouvelle attraction majeure d’ici trois mois, c’est la fin. Il décide donc de monter une expédition pour le Congo et de s’enfoncer dans une jungle africaine où la légende parle d’un gorille gigantesque. Sur place, il rencontre April, propriétaire d’une réserve d’animaux dont le père – ça tombe bien – connaissait la légende du dieu gorille. Cet homme vénérable a même dessiné une carte de la zone où vivrait la créature, et où aucun homme blanc n’est jamais allé. Remington, April et leur guide local (qui donne des coups de machette dans l’herbe à ses pieds pour simuler une jungle dense) partent donc dans la savane et rencontrent une tribu d’indigènes (trois hommes en pagne qui parlent entre eux en anglais avec un accent indien !). Soudain, les voilà qui frappent le gong tandis que le sorcier appelle le dieu simiesque. « Oh, puissant Gorga ! », crie-t-il. « Les tambours au loin nous annoncent que le mal approche dans la jungle. De nombreux Blancs viennent violer les secrets de la mort. » On ne saurait dire ce qui est le plus risible dans cette scène : le discours du sorcier ou son total manque de conviction pendant qu’il le récite face à la caméra. On sent même qu’un sourire involontaire le titille. Bien sûr, lorsque paraît le singe, les choses dégénèrent.
Le T-Rex en plastique
L’hilarité secoue déjà largement les spectateurs quand Gorga s’empare d’une jeune femme qui lui a été offerte en sacrifice (l’homme déguisé en singe secoue dans sa main velue une petite poupée). Mais c’est l’apparition d’un tyrannosaure qui provoque les plus gros éclats de rire. Car ce dinosaure est un jouet en plastique visiblement secoué à la main par un assistant tandis que sa mâchoire claque mécaniquement. Les acteurs sont rétroprojetés (via une transparence immonde) derrière ce mini-T-Rex pour nous faire croire à la grande taille du monstre. Puis c’est l’inévitable combat avec Gorga, qui assomme le saurien en quatre ou cinq plans sans jamais se départir de sa grimace figée. Tout le film est à l’avenant, provoquant chez les spectateurs l’euphorie ou la consternation – voire les deux. Bourré de faux raccords, garni d’innombrables images de stocks d’animaux sauvages, affublé d’un extrait de La Vengeance d’Hercule (pour l’apparition incompréhensible d’un dragon en stop-motion dans une grotte), Mighty Gorga est une calamité sur pellicule sans queue ni tête. Il faut le voir pour le croire. David L. Hewitt poursuivra ses exactions dans le domaine du cinéma cheap d’exploitation (The Girls From Thunder Strip, Les Bourreaux, The Lucifer Complex) avant de bifurquer prudemment vers le monde des effets spéciaux jusqu’à sa retraite en 2003.
© Gilles Penso
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