Marlon Brando incarne un homme maléfique dans ce conte pervers se situant avant les événements paranormaux racontés dans Les Innocents…
THE NIGHTCOMERS
1971 – GB
Réalisé par Michael Winner
Avec Marlon Brando, Stephanie Beacham, Thora Hird, Harry Andrews, Verna Harvey, Christopher Ellis
THEMA ENFANTS
Sulfureuse, subversive et ouvertement malsaine, cette œuvre britannique est conçue comme une « préquelle » du fameux roman d’Henry James « Le Tour d’Ecrou », dont la plus célèbre adaptation cinématographique fut Les Innocents de Jack Clayton, en 1961. Un an avant Le Parrain, Marlon Brando incarne ici l’un des rôles les plus étonnants et les plus injustement méconnus de sa prolifique carrière. Malgré sa réputation d’acteur « difficile », Michael Winner a toujours affirmé s’être fort bien entendu avec Brando, refusant poliment certaines de ses demandes excentriques (comme réécrire tout le scénario pendant le tournage) et le poussant même dans ses retranchements pour obtenir certaines performances (l’une de ses scènes fut ainsi tournée alors qu’il était totalement ivre). Nimbé d’une déliquescente duplicité, affublé d’un accent irlandais qui rend ses répliques à peine intelligibles, le futur Don Corleone de Francis Coppola incarne Peter Quint, palefrenier et homme à tout faire d’une grande propriété victorienne dont les propriétaires viennent de mourir, laissant derrière eux deux jeunes orphelins, Miles (Christopher Ellis) et Flora (Verna Harvey). Ces derniers sont confiés aux bons soins de la perceptrice Miss Jessel, incarnée par Stephanie Beacham, future héroïne de Dracula 73, après que Jennie Linden ait refusé un rôle aussi peu orthodoxe.
Mais c’est auprès de Quint que Miles et Flora découvrent toutes les expériences que les adultes camouflent d’ordinaire aux enfants. Ils apprennent ainsi les mystères de la vie, de la mort, de l’amour et de la haine, à travers cet homme à la moralité douteuse et aux penchants cruels. Peu à peu corrompus, les têtes blondes parachèvent ce douteux apprentissage en assistant aux ébats violents et sadomasochistes de Quint avec Miss Jessel. Miles et Flora s’amusent alors à recréer dans leur chambre à coucher les expériences érotiques de la perceptrice et du palefrenier, sous les yeux épouvantés de la vieille gouvernante de la maison, Madame Grose (Thora Hird), qui décide de faire renvoyer Quint et Jessel. Incapables d’empêcher cette irrévocable décision, perdant toute notion du bien et du mal, nos charmants bambins se mettent alors en tête de permettre aux amants de rester liés pour l’éternité… en les tuant !
Le parrain du mal
Ainsi, dans Le Corrupteur, le mal s’immisce progressivement, tel un virus, et gagne peu à peu l’esprit malléable des deux enfants. Mais l’œuvre de Michael Winner est surtout une fronde lancée contre les institutions rigoristes et aristocratiques, propices au développement des perversités de Peter Quint dont il sera l’ultime victime. Tous parfaits, les comédiens servent à merveille ce scénario audacieux, qui souffre tout de même d’un rythme un peu languissant, en accord il est vrai avec la triste campagne anglaise embrumée dans laquelle se traîne l’intrigue. Le Corrupteur reçut un accueil des plus mitigés au moment de sa sortie, dans la mesure où les amateurs du roman d’Henry James et du film de Jack Clayton ne souhaitaient pas qu’on leur montre de manière aussi explicite les événements précédant ceux décrits dans « Le Tour d’Ecrou ». Le mystère et le travail d’imagination du lecteur/spectateur étaient en effet très sollicités dans l’œuvre initiale. Or Winner n’en a cure ici, ce qui n’ôte rien aux qualités formelles de son film.
© Gilles Penso
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