LA ROSE ÉCORCHÉE (1970)

Dans cette variante autour du thème des Yeux sans visage, un peintre fortuné fait chanter un chirurgien déchu pour réparer le visage de son épouse…

LA ROSE ÉCORCHÉE

 

1970 – FRANCE

 

Réalisé par Claude Mulot

 

Avec Philippe Lemaire, Anny Duperey, Olivia Robin, Howard Vernon, Elisabeth Teissier, Gérard Huart

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Assistant réalisateur sur le grivois 3 filles vers le soleil de Roger Fellous (dont il signe également le scénario), Claude Mulot fait son baptême de réalisateur avec la comédie polissonne Sexyrella, puis opère un changement de cap avec son second long-métrage, La Rose écorchée, une relecture très personnelle des Yeux sans visage de Georges Franju. L’approche se veut poétique, comme en témoigne le texte d’introduction qui s’affiche plein écran : « Le passé : Au cœur d’une demeure ancestrale, deux hommes se penchent sur leur passé… Ils attendent le verdict d’un médecin. » Il y a là Frédéric Lansac (Philippe Lemaire), le peintre à la mode dont raffole tout Paris, et Wilfried (Gérard Huart), le patron de la galerie qui expose ses œuvres. Un flash-back nous raconte comment la belle Moira (Elizabeth Teissier) se jette dans les bras du peintre. Mais celui-ci tombe peu après sous le charme d’Anne (Anny Duperey), irrésistible dans son costume de marquise en prévision d’une soirée déguisée. Pour sceller cette idylle nouvelle, il l’emmène dans son grand château isolé au milieu des bois. Là vivent deux serviteurs nains patibulaires et muets au look parfaitement improbable, Igor et Olaf. Des touches d’étrangeté de ce type, La Rose écorchée en comportera beaucoup.

Un soir de bal costumé, Anne – devenue Madame Lansac – se confronte avec sa rivale Moira et tombe dans un grand feu de bois. Alors que la narration se replace au présent, le verdict du médecin tombe comme un couperet. « C’est un miracle que votre femme soit encore en vie », dit-il à Lansac. « Les brûlures ont ravagé son visage et son corps. » La situation étant posée, la suite des événements est assez facile à prévoir. Un second carton annonce donc : « Le présent : La demeure est devenue tombeau. » Le visage de la belle Anne ayant été horriblement brûlé, le peintre décide de faire chanter Romer, un chirurgien esthétique recherché par la police, afin d’opérer des greffes sur le visage de sa femme. Or ce chirurgien est incarné par Howard Vernon, qui jouait déjà dans une imitation des Yeux sans visage, le fameux Horrible docteur Orloff de Jess Franco. D’où un troisième carton : « Le futur : Le visage d’une femme vivante ! Dans l’esprit dérangé, l’idée s’est imposée… » Dès lors, le kidnapping de jolies jeunes victimes va s’avérer nécessaire pour tenter de réparer l’irréparable…

Brume, chandelier et nains en peaux de bête

Très tôt, La Rose écorchée met en lumière l’indiscutable photogénie d’Anny Duperey, la muant en figure artistique pure, en muse quasiment abstraite. L’annonce de sa défiguration n’en est que plus terrible. Dès lors, Claude Mulot utilise avec habileté la caméra subjective déformée pour évoquer la vision d’Anne (dont l’esprit s’est altéré en même temps que ses traits). Bien souvent, le film emprunte les voies gothiques d’un Mario Bava, d’un Roger Corman ou d’un Terence Fisher, notamment lors de l’enterrement nocturne au pied du château noyé de brume, ou pendant ces séquences iconiques au cours desquelles une jeune femme en nuisette arpente les couloirs de la vaste demeure avec un chandelier à la main tandis que l’orage gronde. Adepte du grand écart artistique, le film n’hésite pas à opposer à cette élégance classique une imagerie totalement bis, comme ce combat dans la paille entre une fille nue et deux nains en peaux de bêtes ! Dans le rôle du peintre meurtri, Philippe Lemaire force le trait et surjoue souvent, ce qui n’enlève rien à son charisme quasi-magnétique. Howard Vernon en fait lui aussi des caisses, se lançant dans un grand monologue en plan-séquence où il explique comment le chirurgien renommé qu’il fut est tombé si bas. « Je suis fasciné par cet assemblage miraculeux de lignes, de courbes, d’apérités, de couleurs » déclare-t-il alors avec lyrisme pour illustrer son obsession pour les visages humains. Œuvre phare du cinéma fantastique français du début des années 70, La Rose écorchée fait figure d’exception dans la carrière de son réalisateur, qui se spécialisera ensuite dans l’érotisme et la comédie (souvent entremêlés) avec des titres aussi imagés que Les Charnelles, Le Sexe qui parle, Suprêmes jouissances, Les Petites écolières ou l’inénarrable Le Jour se lève et les conneries commencent.

 

© Gilles Penso


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