Une toute jeune Jodie Foster se frotte aux penchants pervers de Martin Sheen dans cet exercice de style trouble et angoissant…
THE LITTLE GIRL WHO LIVES DOWN THE LANE
1976 – CANADA / USA / FRANCE
Réalisé par Nicolas Gessner
Avec Jodie Foster, Martin Sheen, Mort Shuman, Alexis Smith, Scott Jacoby, Dorothy Davis, Clesson Goodhue
THEMA ENFANTS
Entre une poignée de comédies et de polars français (La Blonde de Pekin avec Mireille Darc, Quelqu’un derrière la porte avec Charles Bronson) et le soap opéra Le Château des oliviers diffusé en 1993, La Petite fille au bout du chemin fait un peu figure d’exception dans la carrière du cinéaste Nicolas Gessner. Pas fantastique au sens strict du terme, le scénario (adapté par Laird Koenig d’après son propre roman) exhale malgré tout un fort parfum de mystère, d’étrangeté et d’épouvante, en se concentrant sur Rynn Jacobs, une fille de treize ans qui vit recluse dans une maison de la Nouvelle-Angleterre. Avec déjà une vingtaine de longs-métrages à son actif (parmi lesquels Taxi Driver et Bugsy Malone), Jodie Foster lui prête sa silhouette adolescente et sa frimousse déjà incroyablement mature (elle se double d’ailleurs elle-même dans la version française). Rynn vient d’emménager avec son père, un poète de renom. Son autonomie, son refus de se mêler aux autres et son effronterie excitent la curiosité des voisins. Notamment celle de Madame Hallet, revêche et autoritaire propriétaire de la maison interprétée par Alexis Smith, et surtout son fils Frank, un père de famille qui dissimule derrière son apparente respectabilité une perversité sournoise et d’inquiétants penchants pédophiles.
C’est Martin Sheen qui incarne ce peu recommandable individu. Chacune de ses apparitions provoque un véritable courant d’air glacial dans l’échine du spectateur. Et ce dès sa toute première intervention en pleine soirée d’Halloween, lorsqu’il tourne autour de Rynn tel un prédateur, roulant des yeux lubriques, caressant ses cheveux sans retenue, bref à deux doigts d’aller déjà trop loin. Le père de Rynn demeurant désespérément invisible, la curiosité se mue progressivement en soupçons, et la police commence à se poser des questions. D’où de régulières visites de l’inspecteur Miglioriti incarné par Mort Shuman, future figure incontournable de la chanson populaire française. Le neveu du policier, l’apprenti-magicien Mario (Scott Jacoby), se lie d’amitié avec Rynn, et accepte de partager avec elle le terrible secret qu’elle a enfoui au fond de la cave de la maison. Un secret d’autant plus redoutable que ceux qui s’y frottent de trop près passent illico de vie à trépas…
Le secret dans la cave
L’impact de La Petite fille au bout du chemin repose évidemment beaucoup sur les épaules de Jodie Foster et de Martin Sheen, ce dernier assurant quasiment le rôle du Grand Méchant Loup des contes de Grimm et Perrault. Le scénario évoque en substance le racisme et l’intolérance, se positionnant sans détour comme un plaidoyer pour l’indépendance et le droit à la différence. Dommage que la mise en scène de Gessner, terne et dénuée de véritable point de vue, gâche un peu le potentiel d’une telle histoire. Tout comme la partition de Christian Gaubert, datée et fort peu subtile, qui se complète d’extraits empruntés au concerto n°1 en mi mineur de Chopin. Thriller atypique préférant ouvertement l’atmosphère oppressante à l’épouvante pure, La Petite fille au bout du chemin généra autour de lui un petit culte malgré son passage quasiment inaperçu aux yeux du grand public.
© Gilles Penso
Partagez cet article