INTACTO (2002)

Le futur réalisateur de 28 semaines plus tard concocte pour son premier film un thriller aux frontières du paranormal…

INTACTO

 

2002 – ESPAGNE

 

Réalisé par Juan Carlos Fresnadillo

 

Avec Leonardo Sbaraglia, Eusebio Poncela, Mónica López, Antonio Dechent, Max von Sydow, Guillermo Toledo

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Et si la chance était un pouvoir surnaturel, une énergie tangible susceptible de passer de main en main, de s’additionner, de se soustraire, de se voler ou de se gagner ? Tel est le point de départ audacieux d’Intacto, premier long-métrage d’un cinéaste espagnol de 34 ans qui souffrit lors de sa sortie d’une promotion minimaliste et d’un titre sans doute trop proche du Memento de Christopher Nolan. Après un prologue mystérieux et un tant soit peu oppressant ne nous livrant pas encore toutes les cartes de l’intrigue, nous faisons connaissance avec Tomas Sanz (Leonardo Sbaraglia), unique survivant d’une catastrophe aérienne. Recherché par la police pour avoir commis un hold-up, il est contacté par Federico (Eusebio Poncela), un homme mystérieux ayant lui-même réchappé par miracle à un tremblement de terre. En sa compagnie, Tomas découvre qu’un groupe élitiste d’hommes et de femmes mène des activités secrètes auxquelles il va être initié. Ceux qui possèdent « le don », c’est-à-dire la chance, ont le droit d’y participer. Et de toute évidence Tomas en fait partie.

Le principe est délicieusement tortueux : lorsqu’un des membres de cette communauté souterraine récupère la photographie d’un de ses « collègues » ou entre en contact physique avec lui, il lui vole sa chance, et accroît du même coup la sienne. Celui qui possède le plus de photos est donc le plus chanceux des hommes. Et à la fin de cette gigantesque partie, il ne pourra en rester plus qu’un, suivant un schéma pyramidal qui nous est familier depuis Highlander. L’objet de ces paris successifs est une série de « jeux » de plus en plus dangereux : une course dans la forêt les yeux bandés, une traversée nocturne de l’autoroute au milieu des voitures lancées à grande vitesse, et pour finir une roulette russe dans laquelle une seule balle a été retirée du barillet. Sara (Monica Lopez), l’inspecteur de police chargé de retrouver la trace de Tomas, a elle-même réchappé de peu à un accident de voiture ayant coûté la vie à son époux et sa fille. Elle fait donc malgré elle partie de l’élite et devra infiltrer le milieu pour mener son enquête à bien. Tous ces chemins croisés trouveront leur point de conjonction dans le casino de Samuel Berg (Max Von Sydow), un survivant de la Shoah considéré comme le plus grand possesseur de chance au monde…

Roulette russe

A ce scénario résolument novateur et vertigineux qu’il a co-écrit avec Andres Koppel, Juan Carlos Fresnadillo appose une mise en scène impeccable. La photographie de Xavi Gimenez est superbe, les décors de Cesar Macarron claustrophobiques à souhait, la musique de Lucio Godoy envoûtante et les comédiens tous excellents, dominés par un Max Von Sydow impérial comme à son habitude. Intacto tire une partie de son étrangeté du parti pris atemporel et universel de son cinéaste, rien ne nous permettant vraiment de situer géographiquement ou historiquement ce récit. L’intrigue s’achemine lentement vers son inévitable climax, empruntant aux légendes indiennes la croyance de la capture de l’âme par l’émulsion photographique. Et si hasard et coïncidence s’appréhendent ici comme une donnée quantifiable, le film pose en substance une ultime et passionnante question : l’amour est-il plus fort que la chance ?

 

© Gilles Penso


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