Robert Zemeckis retrouve Tom Hanks pour un remake en chair et en os (et en images de synthèse) du classique de 1940…
Disney n’en finissant plus de recycler ses vieilles recettes en proposant des versions avec acteurs réels de ses dessins animés classiques, il était évident que le Pinocchio de 1940 (chef d’œuvre atemporel signé Hamilton Luske et Ben Sharpsteen) serait tôt ou tard en ligne de mire. La démarche fut sans doute freinée par les nombreuses autres versions « live » tirées des écrits de Collodi, mais le projet finit par s’enclencher en 2015. Le premier réalisateur envisagé est Sam Mendes (American Beauty), qui cède finalement le pas à Paul King (Paddington). Ce dernier propose à Tom Hanks de tenir le rôle de Geppetto mais ne trouve pas suffisamment de terrain d’entente avec Disney et quitte à son tour la production. C’est Hanks qui déniche lui-même le remplaçant : Robert Zemeckis. Pinocchio marque ainsi leur quatrième collaboration après Forrest Gump, Seul au monde et Le Pôle Express. Et c’est sur un scénario co-écrit par Zemeckis et Chris Weitz (auteur notamment de Fourmiz, La Famille Foldingue, A la croisée des mondes, du Cendrillon de Kenneth Branagh et de Rogue One) que se met en branle cette énième relecture des aventures du plus célèbre des pantins de bois – qui n’aura pas droit à une sortie en salles mais à une diffusion directe sur Disney +.
Au début, nous sommes circonspects. Tous ces personnages en image de synthèse qui s’agitent à l’écran (Jiminy Cricket, le chat Figaro, le poisson Chloé, la mouette Sofia) ne possèdent ni le charme, ni la finesse des créatures des films Pixar dont ils semblent pourtant directement s’inspirer. Puis apparaît ce bon vieux Geppetto, dans la peau duquel Tom Hanks entre miraculeusement. Touchant dès son entrée en scène, le marionnettiste murmure un poème à l’attention de son défunt fils tout en sculptant un pantin en bois conçu à son effigie. C’est un petit moment de grâce dont le reste du film sera hélas souvent dénué. Il nous semble d’abord que l’un des partis-pris consiste à remplacer les sempiternelles chansons par des dialogues en rimes, une idée atypique et poétique. Mais lorsque survient la Fée Bleue, il faut se faire une raison : Pinocchio sera une comédie musicale. Le rôle de la bonne fée échoit d’ailleurs à Cynthia Erivo, qui fut saluée à Broadway pour sa performance dans la version musicale de La Couleur pourpre. Le sentiment mitigé qui nous étreint alors perdurera tout au long de ce long-métrage bancal n’échappant jamais aux conventions attendues malgré quelques trop rares pointes d’audace.
Clins d’œil et citations
Sans cesse partagé entre son envie de respecter son modèle et celle de donner des coups de coude complices aux jeunes (télé)spectateurs, Pinocchio multiplie les clins d’œil balourds, notamment à l’univers Disney/Pixar dans l’échoppe de Gepetto dont les innombrables coucous s’agrémentent de jouets à l’effigie du Woody de Toy Story, de la Reine maléfique de La Belle au bois dormant, de la chouette de Merlin l’enchanteur, de Blanche Neige et des sept nains, de Dumbo, de Donald Duck et même de de Jessica et Roger Rabbit (le temps d’une auto-citation du cinéaste). Ce jeu des allusions postmodernes (et bien d’autres comme l’évocation du nom de l’acteur Chris Pine) semble incongru dans le contexte du film. L’impertinence affirmée n’est en réalité qu’un calcul savant destiné aux fans. D’ailleurs, lorsqu’il a la possibilité d’être vraiment audacieux, le film joue au contraire la carte de la prudence. La scène de la transformation des enfants en ânes, par exemple, particulièrement horrifique dans le dessin animé original, aurait mérité un traitement digne des métamorphoses de Hurlements ou Le Loup-garou de Londres pour retrouver la saveur cauchemardesque du film de 1940. Mais l’approche choisie est cartoonesque, lisse et sans aspérité. Restent quelques créations réussies de la compagnie d’animation Moving Picture Company (un beau Pinocchio fidèle à son modèle dessiné, un titanesque Monstro hybride et très impressionnant), une bande originale riche en envolées symphoniques (Alan Silvestri donne souvent le meilleur de lui-même lorsqu’il est stimulé par la mise en scène de Zemeckis) et bien sûr la prestation de Tom Hanks. C’est déjà ça, même si le film n’entrera sans doute pas pour autant dans les mémoires. Hasard des calendriers, ce Pinocchio « live » aura précédé de quelques mois à peine la version en stop-motion réalisée par Guillermo del Toro et Mark Gustafson.
© Gilles Penso
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