Un groupe de soldats japonais en exercice se retrouve propulsé au 16ème siècle, face à des hordes de samouraïs belliqueux…
SENGOKU JIEITAI
1979 – JAPON
Réalisé par Kosei Saito
Avec Sonny Chiba, Toshitaka Ito, Jun Eto, Koji Naka, Isao Natsuyagi, Haruki Kadokawa, Hitoshi Omae, Kentaro Kudo, Mancho Tsuji, Shin Kishida
THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS
Adapté d’un roman de Ryo Hanmura, Les Guerriers de l’apocalypse est le sixième long-métrage de Kosei Sato. Alors que nous suivons un groupe des forces de défense japonaises en plein exercice, sous la direction du lieutenant Yoshiaki Iba (incarné par le vétéran Sonny Chiba), le réalisateur saisit les tranches de vie furtives des soldats pour mieux ancrer son film dans un contexte réaliste : anecdotes, plaisanteries, petits tracas quotidiens. Mais il donne aussi un coup d’avance aux spectateurs en suggérant très tôt l’étrangeté, notamment à travers l’éclat lumineux anormal des phares ou des lampadaires. Puis l’insolite prend une tournure plus manifeste : la planète Venus semble avoir changé de place dans le ciel, toutes les montres s’arrêtent en même temps… Avant que nos militaires n’aient le temps de comprendre ce qui se passe, l’écran se gorge d’images déroutantes. Des nuées de mouettes saturent le ciel, des chevaux galopent au ralenti, un soleil immense se surimpressionne à l’horizon, les soldats s’immergent dans une lumière solarisante, les nuages défilent en accéléré, une pluie d’étincelles tombe sur un bateau menacé par de hautes vagues… C’est donc à travers un prisme poétique, déconnecté soudain de toute réalité, que Les Guerriers de l’apocalypse aborde le phénomène paranormal qui propulse sans explications ses protagonistes en pleine époque féodale, 400 ans dans le passé.
Et voilà nos militaires du vingtième siècle plongés au sein d’un conflit médiéval opposant deux hordes de samouraïs belliqueux. Le lieutenant Iba finit par sympathiser avec un chef de guerre exubérant, Nagao Kagetora (Isao Natsuyagi), et décide donc de prendre fait et cause pour lui et son armée, au service d’un puissant seigneur nommé Koizumi. Entre les peuplades féodales et les soldats venus du futur, des liens complexes se nouent (l’amitié, la rivalité, l’amour, la trahison) et les vrais visages finissent par se révéler. Certains abusent de la situation, pillant et violant sans vergogne. D’autres cherchent à agir avec sagesse et clairvoyance. Bientôt se pose en substance la question de l’altération du cours de l’histoire. Peut-on décemment surgir au cœur d’une guerre du 16ème siècle avec des mitrailleuses, des blindés, un tank et un hélicoptère ? L’inévitable inquiétude liée aux conséquences inattendues d’une telle intervention alimente régulièrement les dialogues, mais le scénario refuse de traiter frontalement le sujet. Nous ne saurons donc jamais à quel point le fameux « continuum espace-temps » cher au docteur Brown de Retour vers le futur a été bouleversé.
Prisonniers du temps
Les Guerriers de l’apocalypse se donne les moyens de ses ambitions, sollicitant une très importante figuration en costumes d’époques, des chevaux, de la pyrotechnie à grande échelle, des cascades vertigineuses… Pour l’arsenal, les producteurs espéraient le soutien des Forces de Défense japonaises, mais ces dernières refusèrent de s’impliquer en apprenant que certains personnages, dans le scénario, ambitionnaient de déserter pour retrouver la vie civile ! Exit donc l’aide de l’armée. D’où l’emploi de véhicules et d’armes d’occasion et même la construction d’un char de A à Z. L’affrontement entre samouraïs et militaires modernes a quelque chose de délicieusement surréaliste, ponctué de morceaux d’anthologie comme l’attaque des archers cachés sous l’eau, le pugilat contre les guerriers camouflés dans les buissons, les combattants qui s’accrochent à l’hélicoptère au cœur d’une grande échauffourée ou encore cette titanesque bataille finale qui laisse imaginer sans mal les complexités logistiques liées à sa mise en scène. Le film démontre non sans ironie que malgré leur force de frappe et le pouvoir de destruction de leurs armes modernes, les soldats de 1979 ne font pas le poids face à l’art de la guerre médiéval. Parfois déstabilisants, les effets de style de Kosei Saito alternent la violence radicale (décapitation, égorgement, corps transpercés de flèches, éclaboussures sanglantes), les montages parallèles poétiques (la jeune femme du 20ème siècle qui attend en vain l’un des soldats sur le quai d’une gare) et la surabondance de chansons kitsch anachroniques ponctuant la majorité des séquences. Tous ces éléments disparates semblent chacun appartenir à un film différent. Les Guerriers de l’apocalypse reste mémorable pour son audace et son ampleur. Un remake sera réalisé en 2005 sous le titre Samurai Commando : Mission 1549.
© Gilles Penso
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