HARDCORE HENRY (2015)

Un film concept dans lequel les exploits musclés d’un homme transformé en cyborg sont filmés entièrement de son point de vue…

HARDCORE HENRY

 

2015 – USA / RUSSIE

 

Réalisé par Ilya Naishuller

 

Avec Andrey Dementyev, Sharlto Copley, Danila Kozlovski, Haley Bennett, Tim Roth, Svetlana Oustinova, Dasha Charusha, Oleg Poddubniy, Ilia Naïchouller

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I ROBOTS

Leader du groupe de rock indépendant russe Biting Elbows, Ilya Naishuller réalise pour les besoins de son « band » deux clips très remarqués, « The Stampede » et « Bad Motherfucker ». Tous deux sont conçus selon le même principe : ce sont des petits récits d’action filmés en caméra subjective du point de vue du héros, comme les jeux vidéo de tir à la première personne. Lorsqu’il découvre ces clips, le cinéaste Timur Bekmambetov (Night Watch, Wanted, Abraham Lincoln chasseur de vampires) tombe sous le charme et décide de produire un long-métrage qui reposerait sur le même concept visuel. Financé en partie par l’entremise d’une campagne de crowdfunding, Hardcore Henry est donc le premier long-métrage d’Ilya Naishuller. Et c’est un sacré baptême du feu, quand on tient compte du nombre de challenges techniques que représente sa mise en chantier. Bourré de cascades impensables, d’effets pyrotechniques démesurés et de trucages numériques audacieux, le film est intégralement tourné à l’aide d’une caméra Go-Pro embarquée sur une dizaine d’opérateurs se passant le relais pour incarner le Henry du titre, parmi lesquels le réalisateur lui-même, le cascadeur/caméraman Sergey Valyaev et le comédien Andrei Dementiev (ces deux derniers ayant été fort malmenés pendant les prises de vues, avec quelques blessures à la clé).

Amnésique et gravement blessé, Henry est mourant mais son épouse Estelle (Haley Bennett) le ramène à la vie. Qui est-il ? D’où vient-il ? Où est-il ? Il nous faudra un peu de temps pour recoller les morceaux, tout comme le personnage principal dans la peau duquel nous sommes plongés dès les premières secondes du film. Estelle « répare » son époux à l’aide de membres cybernétiques qui le transforment en émule de L’Homme qui valait trois milliards. Employée par Akan (Danila Kozlovski), un dangereux mégalomane aux pouvoirs télékinétiques à la tête d’une armée de mercenaires, Estelle est kidnappée par ce dernier. Livré à lui-même, Henry doit donc lutter dans les rues de Moscou contre une horde de sbires lancés à ses trousses et tenter de retrouver sa bien-aimée. Alors que tout semble perdu, il est secouru par Jimmy (Sharlto Copley), un individu bavard et bizarre qui semble posséder la capacité de ressusciter et de se multiplier à loisir…

Frénésie en caméra subjective

Certes, Hardcore Henry n’est pas le premier film à jouer le jeu de la caméra subjective (citons notamment La Dame du lac de Robert Montgomery, La Femme défendue de Philippe Harel ou encore le Maniac de Frank Khalfoun), mais aucun jusqu’alors n’avait décliné cette technique de prise de vue sur un tempo aussi frénétique et vitaminé. Ébouriffant, bourré de morceaux de bravoure, riche en poursuites effrénées, en fusillades ultra-gores et en séquences de voltige vertigineuses, Hardcore Henry nous en met sans cesse plein la vue sans nous laisser le temps de souffler. Mais tout ce déploiement d’énergie se met hélas au service d’un scénario vide de sens. Sans enjeu dramatique digne de ce nom et sans possibilité d’identification au personnage principal, le film peine à sortir du registre du simple exercice de style. Les touches d’humour apportées par Sharlto Coplay sont poussives (avec même une séquence en comédie musicale !), le méchant incarné par Danila Kozlovski cabotine sans la moindre crédibilité (et sans que nous ne comprenions d’où lui viennent ses pouvoirs paranormaux), bref la profondeur du film se révèle inversement proportionnelle à la performance technique et à la virtuosité de sa mise en scène. En fin de compte, Hardcore Henry possède les qualités et les défauts de la majorité des longs-métrages de Timur Bekmambetov, preuve que l’influence artistique du producteur sur le résultat final fut sans doute déterminante.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article