Un père de famille est persuadé que Dieu lui a donné comme mission de tuer des démons déguisés en humains…
FRAILTY
2001 – USA
Réalisé par Bill Paxton
Avec Bill Paxton, Matthew McConaughey, Powers Boothe, Matt O’Leary, Jeremy Sumpter, Luke Askew, Levi Kreis, Derk Cheetwood, Missy Crider, Alan Davidson
Acteur fétiche de James Cameron (on l’a vu dans Terminator, Aliens, True Lies, Titanic), Bill Paxton est apparu dans bon nombre de films populaires des années 80 et 90 (Une créature de rêve, Commando, Aux frontières de l’aube, Predator 2, Apollo 13, Twister…). Au tout début des années 2000, il se lance dans la réalisation de son propre long-métrage, un thriller surnaturel aux multiples rebondissements qui s’inspire très librement du cas d’un tueur en série américain ayant commis ses crimes avec son fils de 13 ans au nom de Dieu. Le scénario porte le nom de Frailty, autrement dit « fragilité ». « Le film parle à la fois de la fragilité de la perception, de la fragilité de la moralité et de la fragilité de la limite entre le bien et le mal », expliquait à l’époque le scénariste Brent Hanley. « J’aimais bien l’idée d’avoir un titre abstrait ». Plus triviaux, les distributeurs français choisissent d’appeler le film Emprise, faisant fi de la quasi-homonymie avec L’Emprise de Sidney J. Furie. Paxton s’octroie l’un des rôles principaux et confie l’autre à Matthew McConaughey, qui fut son partenaire de jeu dans U-571. Galvanisé par ses premiers pas derrière la caméra, inspiré en partie par La Nuit du chasseur de Charles Laughton et motivé par les conseils éclairés de James Cameron, l’acteur/réalisateur nous plonge avec maestria dans une ambiance tendue et oppressante.
Porté par une musique envoûtante de Brian Tyler (Constantine) et une photo crépusculaire de Bill Butler (Les Dents de la mer), Emprise commence par la rencontre nocturne entre l’agent du FBI Wesley Doyle (Powers Boothe) et un étrange individu nommé Fenton Meiks (Matthew McConaughey). Ce dernier affirme que son frère Adam est le coupable des meurtres en série signés « La Main de Dieu ». « Parfois, la vérité défie la raison », affirme-t-il face à la perplexité de l’agent. La narration s’articule alors autour d’un grand flash-back nous ramenant à l’été 1979, époque à laquelle Fenton et Adam, enfants, vivent avec leur père mécanicien (Bill Paxton) dans la petite ville de Thurman. Leur équilibre paisible se brise le soir où le père les réveille au milieu de la nuit pour leur expliquer la mission dont Dieu vient de le charger : détruire plusieurs démons déguisés en humains à l’aide de trois outils « divins », autrement dit une paire de gants, un tuyau et une hache. Une série de meurtres « au nom de Dieu » s’enchaîne alors dans le domaine de la famille Meiks. Adam est persuadé que son père a raison et que cette mission divine a du sens. Fenton pense au contraire qu’il s’agit d’une folie meurtrière terrifiante qu’il faut faire cesser à tout prix…
L’engrenage infernal
L’atmosphère dans laquelle nous plonge Emprise est d’autant plus inquiétante qu’elle est ancrée dans la réalité. La bigoterie qui transforme le père qu’incarne Bill Paxton en chasseur de démons est ainsi traitée avec beaucoup de demi-mesure et de subtilité. Malgré cette « emprise divine », il reste jusqu’au bout un père aimant et attentionné. Et si son fils cadet le suit jusque dans ses excès les plus horribles, aveuglé par l’amour qu’il lui porte, son fils aîné est en révolte sans pouvoir se décider à le dénoncer ou à prendre la fuite. Cet engrenage infernal que rien ne semble pouvoir enrayer pose en substance plusieurs questions morales complexes. Jusqu’où est-on prêt à aller par attachement aux siens ? Jusqu’où la foi peut-elle abattre les barrières qui permettent de distinguer le bien du mal ? La grande finesse de jeu des acteurs adultes et enfants et la solidité de la mise en scène de Paxton (un homme aux talents décidément multiples) renforcent l’implication du spectateur, jusqu’à un habile twist final. L’ambiance générale d’Emprise n’est pas sans évoquer l’univers de Stephen King, l’un des éléments scénaristiques faisant directement écho à « Dead Zone ». L’écrivain a d’ailleurs exprimé publiquement son admiration pour le film. Bill Paxton réalisera ensuite le drame sportif Un parcours de légende puis le court-métrage Tattoo avant de disparaître en février 2017 à l’âge de 61 ans suite à une insuffisance cardiaque.
© Gilles Penso
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